Dick est invité par son ami Magnus Lane à passer ses vacances, en solitaire, dans un charmant petit village de Cornouailles. Il en a bien besoin car il se sent harcelé par son épouse Vita qui le pousse à quitter la maison d'édition où il travaille pour aller vivre aux États-Unis.
En fait, Magnus, professeur de biophysique à l'Université de Londres, a besoin de lui pour expérimenter une drogue qu'il a récemment mise au point. Quoique réticent, Dick ingurgite cette potion.
C'est le début d'un long voyage, au cours duquel il va se retrouver plongé dans un passé vieux de plus de six siècles. Mais les troublantes scènes dont il est le témoin invisible sont-elles pure illusion? Les personnages qu'il croise ne sont-ils que des fantômes nés de son imagination?
Mon avis :
Voilà un roman qui se démarque dans l'oeuvre de Daphné du Maurier. J'ai d'ailleurs été un peu déstabilisée au départ, parce que l'on entre tout de suite dans le vif du sujet et que les voyages dans le passé du héros donnent un côté science-fiction au récit auquel je ne m'attendais pas.
Ce qui est novateur surtout, c'est que Dick se retrouve en plein XIVe siècle à l'endroit même où il habite actuellement, au milieu de personnages qui ont réellement existé autrefois. Quand il boit la potion de son ami Magnus, il se retrouve témoin fantôme de scènes s'étant déroulées là où il se tient. La maison de son ami se situe sur un ancien domaine seigneurial doté d'un couvent et la transmission des événements se fait à travers les yeux de l'intendant, Roger. On découvre ainsi les relations et jeux de pouvoir qui s'y sont déroulés près de six cents ans plus tôt (entre les Cardinham et les Champernoune), et même si je me perdais un peu dans tous les protagonistes, "je brûlais de connaître la suite".
Le passage d'un monde à l'autre se fait instantanément et Dick, à la fois subjugué par le passé des lieux et mal à l'aise dans sa vie présente, commence à tout mélanger dans une "confusion de pensées". Dans son esprit les deux mondes se mêlent de plus en plus, les personnages d'antan, du fait de ses recherches historiques entre deux "accès", prenant toujours plus de réalité: "Le passé demeurait toujours vivant, il exerçait sur moi une fascination dont le monde actuel est totalement dépourvu". On le voit ainsi sombrer dans ses expériences d'alchimiste qui le font envisager différemment le temps et la mort ("Il n'y avait ni passé, ni présent, ni futur. Tout ce qui vivait faisait partie d'un tout. Nous étions tous rattachés les uns aux autres à travers le temps et l'éternité."). Avaler le breuvage devient risqué, il y a des effets secondaires et puis le corps se déplace et agit dans le présent au rythme des déplacements dans le passé...
On se demande comment tout ça peut bien se déterminer. Je dois reconnaître que la fin m'a laissée perplexe et que j'ai dû la relire plusieurs fois pour être sûre d'avoir bien compris! Somme toute elle est cohérente: si "le monde que nous portons en nous, nous offre parfois l'évasion, le moyen de fuir la réalité", il peut, s'il l'on n'y prendre garde, nous submerger tout à fait.
Patricia Deschamps, août 2020