La maison sous la maison

roman d'Emilie CHAZERAND

On traitait toujours les pissenlits de "mauvaises herbes" et c'était offensant. En plus, les herbes, contrairement aux humains, ne sont jamais mauvaises. (p.67)

Sarbacane, 2023, 383 p.
Sarbacane, 2023, 383 p.

Albertine, onze ans, est plutôt transparente et fragile ; élève discrète et diabétique, elle peine à trouver sa place au milieu des ados du collège, où elle se fait harceler. Par chance, du côté de sa famille haute en couleurs, il y a tant d'amour et de fantaisie qu'elle n'a pas trop le temps de s'en préoccuper. La dernière fantaisie en date : cette maison étrange dans laquelle sa mère a décidé d'emménager. Une maison de conte pour enfant, fourmillante de mystères de la cave au grenier. Et dans la cave, justement... Il y a une porte, que seule Albertine a trouvé : une porte qui mène au Sous-Monde et ses habitants.

Mon avis :

Un roman fantastique plein de poésie.

Elle est attendrissante cette petite Albertine, si fragile (elle est diabétique) et peu sûre d'elle (les autres lui mènent la vie dure, notamment la détestable Séréna) malgré l'amour de sa maman Véra et son incroyable capacité à "entendre la Nature et lui parler". La fillette est en effet capable d'entendre la voix des arbres et des fleurs, à qui elle répond, et ce don qui la rend si spéciale, si étrange dans notre monde, va se révéler un incroyable atout dans celui qui se trouve sous nos pieds.

 

La première partie consiste en la découverte du Sous-Monde auquel Albertine peut accéder via le congélateur de la cave. Elle y découvre des "amimaux" incroyables, à la taille démesurée (Pierre-Edouard l'escargot colossal, Marie-Christine la méga limace) "qui s'appelaient comme les gens" car considérés comme leurs égaux. Les habitants sont en effet respectueux et bienveillants, "on ne rigolait pas du tout avec les moqueries, la méchanceté gratuite et l'incivilité" qui font partie des "Six Oh-la-la", c'est-à-dire interdictions pour une vie en communauté harmonieuse.

Ainsi, sous terre, la vie est beaucoup plus douce et libre: chacun fait ce qu'il veut dans le respect des autres. Albertine s'y fait d'ailleurs sa première véritable amie, Merle.

 

Mais la petite fille n'est pas là par hasard: c'est une "Grande Intermédiaire" chargée de faire le lien entre les deux mondes et surtout de protéger celui du dessous, régulièrement mis en péril par les toxiques provenant du nôtre (les étoiles de terre notamment, sont affaiblies et menacent de disparaître).

La suite est un peu plus convenue, même si j'ai apprécié les valeurs de tolérance et d'entraide développées par l'autrice.

 

J'ai apprécié également les petites imperfections du Sous-Monde dans lequel Merle regrette de ne pas avoir de ciel (et tout ce qui va avec: les oiseaux, le vent, etc.) et de manquer de lumière naturelle. Le Sous-Monde a ses limites et les habitants ressentent souvent "l'Envie d'Ailleurs"... qui est incompatible avec sa protection. Et puis, "est-ce qu'un paradis est toujours un paradis si on n'a pas le droit de le quitter?". Comme souvent, l'objectif est davantage de préserver le nôtre plutôt que de se réfugier autre part.

 

L'aventure aura eu le mérite de rapprocher Albertine de son grand frère Pierrot et aussi, aidée par la Nature, de prendre peu à peu confiance en elle, faisant de sa différence une force. Et même si le quotidien au collège reste compliqué ("Il y a des choses, et des gens, qui ne changent jamais"), la fillette prend les situations avec plus de recul parce qu'elle se sait "appréciée, reconnue et estimée" par d'autres personnes, plus dignes.

Patricia Deschamps, septembre 2024


Retrouvez Takalirsa sur Facebook, Babelio, Instagram  Youtube, Twitter et Tik Tok

Making of d'une chronique