La maison des damnés

roman de Richard MATHESON (1971)

- Il est étrange de penser qu'il croit réellement que seule la science puisse venir à bout des maléfices de cette maison.

Parce qu'il sent venir la mort et veut savoir si la survie est ou non une réalité, Deutsch fait appel au physicien et parapsychologue Lionel Barrett. Deutsch a acquis, dans l'Etat du Maine, la maison Belasco abandonnée depuis trente ans et fatale à tout visiteur: la maison des damnés. A Barrett de percer le mystère du fantôme de Belasco. Deux spirites, l'ultra-sensible Florence Tanner et Ben Fischer, unique rescapé de la maison lors de l'enquête de 1940, accompagnent Barrett, ainsi que sa femme Edith qui l'assiste dans toutes ses expériences scientifiques. Arrivés sur place, tous quatre se rendent vite compte que le lieu est à la hauteur de sa réputation, résonnant des crimes et des orgies du passé...

Mon avis :

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Emballée par Je suis une légende, je profite de la période d'Halloween pour me plonger dans cet autre roman de Richard Matheson adapté au cinéma. Le style est efficace et on est d'emblée plongé dans l'ambiance de cette sinistre maison abandonnée depuis 30 ans, aux fenêtres condamnées et à l'électricité en cours de relance. Le noir, l'éclairage à la bougie, l'odeur de putréfaction de l'étang voisin, le froid, le passé chargé des lieux créent une ambiance saisissante. Fisher, seul rescapé d'une première expédition dans la maison en 1940 (il avait alors 15 ans), raconte "la cruauté, la perversion et l'horreur" des orgies de sexe et de violence orchestrées par le maître des lieux, Emeric Belasco, un "Géant rugissant" qui "pervertissait leur âme". Médium surdoué à l'époque, Fischer n'est depuis que l'ombre de lui-même, même s'il semble le moins touché par les phénomènes paranormaux qui ne tardent pas à se manifester.

 

L'action démarre en effet assez vite et pour ne plus faiblir. Les points de vue alternent entre les protagonistes et les événements s'enchaînent. Florence, la médium ultra-sensible, est la plus touchée. Elle ressent la présence des esprits et plus particulièrement, selon elle, du fils que Belasco aurait eu, Daniel. Mais est-elle réellement possédée? Pour Fisher,  "la Maison des Damnés n'était pas hantée de manière diffuse. Elle avait une méthode". Mais Barrett est un scientifique. Il dispose d'appareils et de protocoles afin que les résultats des séances de spiritisme "soient scientifiquement acceptables". J'ai apprécié cette démarche rationnelle (tout comme dans Je suis une légende d'ailleurs) qui vient relativiser ce que les uns et les autres ressentent dans la maison.

 

Quand Barrett analyse les filaments ectoplasmiques qui suintent au bout des doigts de Florence, il constate qu'ils sont entièrement formés de résidus organiques (débris de cellules, mucosités) et d'éléments en suspension dans l'air (particules de poussière et de nourriture, bactéries, etc.). Il conclut donc que cette forme n'est qu'une "projection organique de la pensée" ("Miss Tanner a créé cette forme avec son corps"). De même, lorsque sa femme, sous l'emprise de l'alcool, se met à adopter une attitude perverse, il affirme que "la véritable cause du comportement d'Edith était profondément enfouie quelque part au fond d'elle-même". Il est vrai que son épouse dissimule quelque rancœur vis-à-vis de cet époux maladif (il a une polio qui l'handicape et le fait souffrir).

 

Alors, tout ce qui se passe dans la maison n'est-il qu'un "pur produit de l'imagination" de ses visiteurs? De la forme d'énergie que le corps humain est capable de produire ("cette énergie peut déborder et créer des effets physiques")? L'Inverseur (d'énergie) de Barrett va-t-il réussir à purifier la maison? "Sa théorie semblait convaincante", mais celle de Florence Tanner aussi... Et si chacun des protagonistes détenait une partie de la résolution de l'énigme? Le récit tient en haleine jusqu'au bout et réserve une belle révélation finale!

Patricia Deschamps, octobre 2022


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