La Grande Guerre : Histoires inspirées par des objets emblématiques de 1914-1918

COLLECTIF

Si tu veux un monde en paix, il te faut comprendre

les conséquences d'un monde en guerre.

Hachette, 2015, 313 p.
Hachette, 2015, 313 p.

 

 

 

John Boyne, Michael Morpurgo, Timothée de Fombelle... Onze auteurs reconnus rendent hommage aux héros de la Première Guerre mondiale à partir d'objets symboliques de leur quotidien : casque en fer, éclat de shrapnel, affiche de recrutement, boîte cadeau de Noël, etc.

 

Ces onze nouvelles sont illustrées par Jim Kay (Quelques minutes après minuit).

Mon avis :

Ce livre est en premier lieu un très bel objet. Couverture cartonnée, papier de qualité, illustrations stylisées : il est d'emblée agréable à parcourir.

D'autre part, j'ai trouvé que l'approche de la Grande Guerre par des objets emblématiques était originale, cela varie des (nombreuses) lectures que j'ai pu faire sur le sujet. D'autant plus que lesdits objets sont photographiés et présentés en fin d'ouvrage ce qui, ajouté aux légendes des illustrations, apporte à l'ensemble une touche documentaire pertinente.

 

Les nouvelles, de différentes natures, sont variées : certaines se passent à l'époque de la Première Guerre, on y est donc immergé dans le conflit. D'autres se déroulent à la nôtre, remontant le temps sur les traces du passé. Toutes sont emplies d'émotion.

Dans "Petites guerres", l'auteur fait un parallèle entre la petite et la Grande Guerre à travers la bataille organisée par deux garçons avec leurs soldats de plomb : "Le champ de bataille était détruit. Les petits soldats, tombés ça et là dans la boue, étaient sens dessus dessous, à demi enterrés", comme dans les tranchées... 

J'ai beaucoup aimé "Quand on en aurait le plus besoin" de Tracy Chevalier, dans laquelle un jeune garçon culpabilise de piquer une cigarette dans la boîte cadeau offert aux soldats : ceux-ci n'en ont-ils pas davantage besoin que lui ? La petite Maud ("L'histoire de Maud" d'Adèle Geras), est très attachante également : pour aider sa sœur enceinte dont le compagnon est parti au front, elle prend sa place dans une usine de fabrication d'assiettes à beurre. Dans "Chaque lent crépuscule", Edith, élève brillante, doit renoncer à ses études pour soigner son frère revenu de la guerre : "Il ne sera plus jamais le garçon qui est parti d'ici en 1915. Et il ne sera jamais la personne qu'il serait devenue sans la guerre. Et moi non plus"... Mais l'histoire la plus touchante, selon moi, est "Capitaine Rosalie" de Timothée de Fombelle, celle d'une fillette de cinq ans et demi qui n'a "aucun autre souvenir que la guerre. J'étais trop petite avant elle" et qui se sent bien seule avec son père parti au front et sa mère qui travaille sans relâche à l'usine : "Personne ne s'occupe de moi. Les grands m'ont oubliée"...

Émouvante également la nouvelle "Une autre façon d'être disparu" de A.L. Kennedy dans laquelle un fils voit revenir un père à la "gueule cassée" : "Il était comme il avait toujours été excepté là où il y avait des pansements"... A la fois triste et amer, l'enfant ne sait comment se comporter avec cet homme traumatisé qui lui est à la fois familier et si différent du père qu'il a connu avant. L'objet, une boussole gravée de ses nom et matricule, symbolise dans ce récit le passage de relais père-fils : "Tu gardes ça avec toi et tu ramènes ta mère à la maison, comme un homme".

 

Dans "Notre Jacko" de Michael Morpurgo, l'objet choisi sert aussi de transition mais cette fois entre générations : le jeune héros, en remontant l'histoire d'un casque en fer, va retrouver la trace d'un arrière-arrière-grand-père héros de guerre tombé dans l'oubli. Même importance de la relation intergénérationnelle dans "N'appelez pas ça gloire" de Marcus Sedgwick : c'est une nouvelle fantastique cette fois, autour du fantôme d'un soldat mort lors de l'explosion de son zeppelin, qui erre autour de l'arbre dans lequel s'est fiché un éclat de shrapnel. C'est en discutant avec un vieil homme du village que le héros reconstituera l'histoire de ce soldat et délivrera son âme.

 

Utiliser les leçons du passé pour mieux appréhender le présent (et l'avenir) est un leitmotiv tout au long du recueil. C'est en discutant avec une vieille femme ayant perdu son mari soldat que Danny et Alice décident de mettre fin à la guerre ancestrale qui déchire leurs deux familles ("Un monde où il n'y aurait pas de guerre"). Malheureusement, comme le dit si bien le narrateur, "il suffit de regarder alentour, de lire les journaux, de chercher sur le Net, de regarder les informations" pour constater que "nous avons tous échoué" : "la guerre est dans tant d'endroits"... Il ne reste plus, dès lors, que l'écriture pour espérer "créer un monde meilleur"...

Patricia Deschamps, novembre 2016

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