Nous avions pour habitude avant la guerre de considérer nos jolies femmes de théâtre comme des artistes de talent, mais aussi comme des petits êtres frivoles, des marionnettes qui portaient agréablement les costumes de leurs rôles, ou encore comme de luxueux mannequins en perpétuelle exhibition. Nos cigales, depuis plus de deux ans et demi que durent les hostilités, viennent de nous prouver que nous les jugions très mal.
Née en 1884, Nelly Martyl rêve de devenir chanteuse à l'Opéra de Paris. Malgré toutes les difficultés qu'elle doit affronter, elle atteint son objectif et devient rapidement une vedette, l'emblème de sa génération. Après son mariage avec le peintre Georges Scott, Nelly est une femme heureuse et épanouie.
Mais tout bascule en 1914, lorsque la guerre éclate entre la France et l'Allemagne. Nelly souhaite aider son pays et ses compatriotes. Elle abandonne sa carrière de chanteuse et s'engage dans l'armée comme infirmière.
Nelly Martyl a été honorée par quatre Croix de Guerre et la Légion d'Honneur.
Texte : service de presse
Mon avis :
Ce qui est captivant dans ce livre, c'est sa forme narrative. Cette biographie est en effet présentée sous l'angle de l'enquête documentaire, l'auteur retraçant toute sa démarche d'information tout en y mêlant une trame romanesque qui vient l'enrichir.
Tout commence à notre époque, tandis que le narrateur, étudiant en histoire, revient avec sa grand-mère sur un événement dont elle aime raconter le souvenir : ce jour de 1943 où elle a trouvé la célèbre cantatrice Nelly Martyl inanimée dans la rue, le visage ensanglanté. Que s'est-il passé ? Qu'est devenue cette femme ? Pour le narrateur, ce fut le début d'un long et fastidieux travail de recherche qu'il expose à son aïeul sous la forme d'un journal de bord richement illustré de documents d'époque.
A travers les différentes photographies, on comprend que Nelly "était belle. Très belle, même.", allant jusqu'à poser pour des magazines : "Les mannequins professionnels n'existaient pas encore et les nouvelles collections étaient souvent présentées par des vedettes du théâtre et de la chanson." Grâce à ses démarches auprès de la Bibliothèque Nationale de France, de la Croix Rouge et du Ministère de la Défense, le narrateur/auteur s'est également procuré de nombreux articles évoquant la carrière de la chanteuse lyrique, et qui servent de base documentaire à des flashbacks fictionnels donnant la parole à Nelly.
Quand vient la période de la guerre, c'est le point de vue d'un Poilu qui vient s'intercaler au journal de bord. Un Poilu qui a écouté chanter la belle et talentueuse Nelly à Verdun, sur le théâtre mobile peint par son mari. Elle y interprète des chansons populaires d'avant guerre, "des airs que tout le monde connaissait et pouvait reprendre en cœur", afin de transmettre "un peu de son énergie aux soldats, leur insuffler de son patriotisme, leur offrir de la beauté et de la joie à entendre". C'est "la magie de la musique" ! Entre deux, le soldat retourne "tuer des Boches" dans sa tranchée, ce qui est l'occasion pour l'auteur d'aborder les grandes batailles ainsi que le quotidien au front.
Et justement, si Nelly s'est engagée, c'est pour participer à l'effort de guerre et se rendre utile autrement qu'en chantant ! Après avoir suivi une formation d'infirmière, elle s'implique dans la gestion des blessés et les soins, se révélant à la fois compétente et courageuse là où on ne l'attendait pas : "Tu crois que je pourrais aider, participer à ma manière à cet élan patriotique ? - La guerre, tu sais, c'est une affaire d'hommes... - Mais les femmes qui aiment leur pays doivent bien pouvoir faire quelque chose". Nelly, qui "avait l'habitude que l'on vante sa beauté et sa voix", fera preuve d'une bravoure inattendue, maintes fois soulignée par tous ses proches (la parole est aussi donnée à sa sœur et à son mari) et remerciée par de nombreuses récompenses militaires.
Et l'incident de 1943 alors ? C'est un ancien élève de la cantatrice qui donnera le fin mot du mystère... et de l'histoire. Un récit passionnant dans lequel l'auteur aura su nous faire partager son enthousiasme et son émotion pour cette femme de talent, animée d'un patriotisme communicatif mais aussi d'une profonde humanité.
Patricia Deschamps, octobre 2016