La fille du monstre

roman de Florence AUBRY

Gallimard, 2019, 188 p. (Scripto) ISBN 978-2-07-511888-0
Gallimard, 2019, 188 p. (Scripto) ISBN 978-2-07-511888-0

 

Du jour au lendemain, l'univers de Tess bascule quand on lui annonce que son père a eu un accident de chasse. Avec un fusil.

 

Pourtant il devait prendre un train pour Bruxelles, ce matin-là. Et un amoureux des animaux ne se balade pas avec un fusil de chasse... Pourquoi ne peut-elle pas aller le voir à l'hôpital ?

 

Entre mensonges, silences et non-dits, Tess apprend brutalement la vérité, dans la cour de récréation : son père a tenté de se suicider...

 

(Texte : service de presse)

Mon avis :

"Je crois que je ne t'aime plus, comme dans cette vieille chanson de Cali." (p.25)
"Je crois que je ne t'aime plus, comme dans cette vieille chanson de Cali." (p.25)

Comment renouer avec un père qui a tenté de se suicider?

Dans ce récit à la 1ère personne qui commence par un dialogue avec son amie Isabelle, Tess revient sur cet événement familial traumatisant afin d'essayer de le comprendre ("Et j'aurai le droit de lire, moi?"). L'acte suicidaire de son père a eu lieu alors qu'elle était en CM2 et la jeune fille est désormais en terminale : il aura fallu toutes ces années pour enfin retrouver un peu de sérénité.

 

Ce geste inattendu de son père, Tess le prend tout d'abord pour de l'abandon : "Qu'est-ce que l'on ressent lorsqu'on s'apprête à faire un truc pareil? Et, bordel! à quoi on pense? Je me dis qu'il n'a pas pensé à moi, sinon il n'aurait pas pu tirer, non?" Certes sa mère a avoué "je n'aime plus papa", mais qu'est-ce qu'elle devient, elle, Tess? D'ailleurs au départ, on lui parle d'accident de chasse, "on ne me dit rien" de la tentative de suicide...

Aux interrogations succède une culpabilité touchante, tandis que son père est hospitalisé : "Je suis persuadée que je peux faire quelque chose. Si mon père ne guérit pas, c'est parce je ne suis pas auprès de lui". Mais c'est sans compter sur la révélation de son visage détruit... Tess ne reconnaît plus celui qui aimait tant la choyer.

 

Là, la colère se mêle à la douleur : le geste inconsidéré de son père a des répercussions dévastatrices sur tout le monde. Lui est muré dans sa souffrance ("Il aurait mieux valu qu'il meure"), sa mère s'épuise, pleure, ignore le chagrin de sa fille ("Juste que maman se retourne et qu'elle voie. Que je suis là"). Alors Tess "grandit seule", faisant malgré elle avec "le désastre de nos vies". Au collège elle subit "remarques dégueulasses et regards en coin", ses camarades de classe faisant preuve d'une "curiosité perverse" envers celle qu'ils ont surnommée "la fille du monstre". Au point que l'adolescente ne supporte plus la vue ni même la présence de ce père qui la dégoûte : après tout, "papa a choisi ce qui lui est arrivé", pas elle.

 

Finalement l'éloignement aura du bon. Plus de deux ans d'une vie "à l'abri de lui", au cours desquels elle rencontre Isabelle qui elle aussi, "sait ce que c'est. D'avoir honte de son père". Petit à petit Tess se montrera plus apaisée et apprendra à ré-apprivoiser cet homme qui, malgré tout, reste son père.

 

Patricia Deschamps, juin 2019

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