Ce roman est fondé sur l'histoire vraie de la guérisseuse savoyarde Michée Chauderon (1602-1652). Arrêtée et exécutée à Genève pour "crime de sorcellerie", Michée Chauderon est l'une des dernières victimes de "la chasse aux sorcières" qui causa la mort de 60 000 femmes dans toute l'Europe.
1620. Michée Chauderon quitte sa Savoie natale pour Genève où elle est embauchée comme
domestique. Sa connaissance des plantes médicinales lui vaut rapidement une réputation de guérisseuse et l'aide à s'intégrer dans une ville
où être étrangère, catholique et célibataire fait d'elle une suspecte. Alors que sa notoriété est bien établie, Michée assiste à l'exécution d'une femme condamnée pour sorcellerie. Vivement impressionnée, elle redoute que son savoir ne la mette en danger et quitte la ville.
Quinze ans plus tard, de retour à Genève, un soupçon de sorcellerie la rattrape.
Mon avis :
Michée est une héroïne attachante que l'on suit avec plaisir dans les épreuves de la vie (comme l'épidémie de peste de 1631), ainsi que dans les bons moments. On partage ses craintes et ses joies, ses peurs mêlées de révolte.
Michée est une honnête fille mais à l'époque, on considère que "les femmes sont une proie facile pour le Malin car le vice est dans leur nature"... Ce sont pourtant les hommes qui, je trouve, ont une mauvaise image : la jeune femme en rencontre des bien lubriques, et la plupart font des maris violents, forts de leur supériorité.
Michée noue de belles amitiés avec ses compagnes d'infortune. Mais elle doit constamment fuir sa réputation de guérisseuse, pas toujours bien perçue malgré les bons soins qu'elle dispense ("Elles ne sont pas mauvaises, seulement ignorantes. Tu possèdes un savoir qu'elles n'ont pas.").
En réalité, on la juge coupable d'être une femme libre ("Toi, tu es vraiment différente. Tu n'as pas de maître, pas de bouches à nourrir. Elles t'envient.")... Michée veut faire un mariage d'amour, et elle trouvera le bonheur, par intermittence, car rien n'est jamais simple dans la vie.
Plus les années passent, plus Rita, sa seule amie fidèle, la trouve transformée: vieillie, agressive, méfiante, "morte à l'intérieur". La tristesse s'est installée, tout comme la lassitude de toujours devoir se battre contre les préjugés et l'hostilité ("Malgré les années passées à travailler à Genève, elle resterait donc toujours une immigrée, à la morale forcément douteuse?").
La fin est terrible, humiliante et douloureuse. Accusée de sorcellerie, son procès est jugé d'avance ("Ton destin est scellé") et Michée sera contrainte à avouer des crimes qu'elle n'a pas commis.
"Étrangère, différente, libre d'homme", Michée est, aux yeux de tous, une sorcière. Son corps finira sur le bûcher, mais son esprit perdurera à travers Rita qui, tout en préparant son "bouillon de guérison", ressent "une envie furieuse de partir, de quitter cet homme violent et cette ville funeste".
Patricia Deschamps, mars 2025