Il flottait dans l'air l'odeur d'un souvenir, le souvenir d'une odeur.
Cette année, à Citéplage, là où devrait se trouver la mer, il n'y a que du sable et des rochers. Depuis des mois, la mer reflue, aspirée sans fin et sans cause connue. Dans cette cité balnéaire totalement vide, où les tortues s'échouent de désespoir, Élo tente de faire comme si rien n'avait changé. Mais sa relation naissante avec Hugo, le repli de sa mère et les faux-fuyants de son père la poussent à s'affranchir de son enfance.
(4e de couverture)
Mon avis :
Dans ce roman entre dystopie et initiation, on suit la jeune Elo au cours d'une catastrophe écologique qui va marquer une étape cruciale de sa vie personnelle.
Ce Reflux de la mer qui touche la planète entière est une catastrophe à laquelle les protagonistes vont réagir différemment. La mère d'Elo, ancienne championne de natation ("la machine à vaincre la mer"), est en pleine dépression, consciente de "l'ampleur de ce qui avait été perdu". Le père, en plein déni de la situation, fait semblant que tout est comme avant. Mais l'adolescente voit bien que "tout a changé": la station balnéaire est déserte, il n'y a que des vieux autochtones indifférents à la situation ("On ne sera probablement pas là pour voir la fin de cette histoire"), sa mère reste prostrée dans l'appartement ("elle a renoncé"), la radio diffuse des informations inquiétantes ("Ne vous approchez pas de la mer", 1905 personnes ont déjà disparues, emportées par le courant...). Il en résulte une ambiance particulière, un peu hors du temps et vaguement onirique (comme dans Une histoire de sable), d'autant plus que la narration présente avec des souvenirs et des cauchemars.
Et puis Elo rencontre Hugo. Hugo et son large sourire, Hugo plein d'espoir qui "y croit" et rêve de naviguer un jour à bord d'un voilier, quand le problème sera résolu (par une Bonde géante?). A 13 ans qu'elle a maintenant, Elo s'interroge, tiraillée entre toutes ces tendances, perturbée par cette mère si forte qui s'effondre chaque jour un peu plus, ce père qui cherche à la maintenir dans leurs petits rituels d'enfance au lieu de lui parler ouvertement, et Hugo qui la pousse, un peu malgré lui (comme en témoigne l'épisode poignant de la tortue venue mourir sur la plage), à "oser" ("elle pouvait le faire pour lui"). Elo se sent mise à l'écart, voire rejetée par ses parents, et la joie de vivre d'Hugo l'attire, sa sensibilité la touche, les émotions qu'il suscite en elle la bouleversent.
Oui ces vacances-là sont particulières, et tous espèrent qu'elles seront "l'exception". Sera-t-il possible de revenir à "des étés normaux"? C'est peu probable, mais après tout, le changement "ce n'était pas mieux, ou pire, c'était différent", et il faut parfois en passer par là pour mûrir, quel que soit son âge.
Patricia Deschamps, juin 2019
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