Fuyant les mondanités londoniennes, Dona St Columb, une jeune lady à la beauté fière et au caractère rebelle, s'est réfugiée au bord de la Manche dans sa résidence de Navron. Là, elle rencontre l'homme qui saura la séduire : un pirate français qu'elle retrouve chaque jour en toute discrétion.
Mais ce dernier, dont le bateau est amarré dans la crique de Navron, est recherché pour tous les vols commis dans les riches propriétés du coin...
(4e de couverture)
Mon avis :
Comme on la comprend, lady Dona! Enfermée dans une vie conventionnelle et ennuyeuse, elle rêve d'évasion et de liberté... A Londres, elle a bien tenté de suivre son mari dans les tavernes, mais sa présence choque. Sir Harry, homme fade voire ridicule (avec sa perruque de travers et ses deux chiens qui ne le quittent pas), est un bien piètre compagnon. Alors lady Dona part prendre l'air avec ses deux enfants dans leur propriété de Navron, sur les rives mouvementées de Cornouailles. La scène d'ouverture, qui décrit les paysages, est très poétique. Seule dans ce coin de nature sauvage, elle savoure les joies d'une vie simple, proche de la nature, et surtout, sans contraintes. Certes "les murmures, les échos du passé" londoniens sont parvenus jusqu'à ses congénères mais qu'importe: "Elle était arrivée à un moment, à un point de son existence, où il lui fallait changer".
C'est un pirate français qui va lui apporter la parenthèse d'aventure dont elle rêve. Propriétaire de "La Mouette", il va l'embarquer dans son quotidien de marin, allant même jusqu'à la faire participer à un pillage nocturne! A ses côtés, Dona s'amuse, s'épanouit: "C'est un bateau enchanté! Je m'y sens comme si, pour la première fois, je vivais vraiment". C'est comme si il y avait deux Dona: la châtelaine, mariée, respectable, mère de famille ("Cette Dona-là appartient au passé"); et la Dona frivole, pleine de "folle fantaisie" dont "l'esprit superbe de l'aventure s'était emparé" ("Elle était en train de vivre comme elle l'avait toujours souhaité"). Une Dona nouvelle, "animée d'une vie plus intense, plus profonde, dont chaque pensée, chaque geste, s'enrichissait d'un sens nouveau".
Tout cela est très romantique mais j'avoue que le récit m'a semblé un peu long à mi-parcours. Et puis voilà que la tension augmente: sir Harry débarque avec son ami Rockingham, homme perspicace et dangereux, bouleversant le paisible et heureux quotidien de Dona, et menaçant la sécurité du Français en activant les recherches. On se demande comment tout cela va se terminer. Le pirate va-t-il échapper à la pendaison? Ce n'est qu'à la fin que l'on apprend son nom (Jean-Benoît Aubéry), comme si la seule chose qui le caractérisait était sa nationalité, le fait qu'il soit étranger (cela rend l'aventure encore plus exotique). L'individualiser avec un patronyme, c'est reconnaître l'importance de sa personnalité, davantage encore que son statut, dans sa relation avec Dona.
Le dénouement est à l'image du roman, à la fois poétique et triste ("Tout ceci ne sera plus qu'un souvenir à conserver, à chérir"). Il faut "renouer les fils de la vie habituelle" à laquelle il est compliqué d'échapper, tout en se nourrissant de ce qu'on a vécu: "Jamais plus elle ne reviendrait à Navron. Pourtant, un fragment d'elle-même y demeurerait toujours".
Patricia Deschamps, août 2021