La carotte et le bâton

roman de Delphine PESSIN

Certaines personnes rejettent la différence. Par bêtise.

Talents hauts, 2017, 190 p.. (Ego)
Talents hauts, 2017, 190 p.. (Ego)

Cette rentrée dans un établissement nouveau, Emilie l’appréhendait, mais la jeune fille ne pensait pas que son quotidien de collégienne allait soudainement virer au cauchemar.

 

Tout commence par des réflexions déplacées sur la couleur de ses cheveux. Puis Emilie se fait bousculer dans les escaliers et les couloirs par des élèves qui profitent également du temps de cantine pour malmener l’adolescente en lui lançant de la nourriture et en lui collant des chewing-gums sur la tête.

Jour après jour, Emilie passe du statut de «nouvelle» à celui de «victime» et devient la cible d’un jeu collectif malsain...

Mon avis :

"La voix de Michel Berger a rempli la pièce..." (p.184)
"La voix de Michel Berger a rempli la pièce..." (p.184)

Un roman sur le harcèlement de facture classique, dans lequel on suit, impuissant, l'inexorable surenchère dans l'humiliation. "Rejetée comme une erreur de la nature" uniquement parce qu'elle est rousse, Emilie ne comprend pas ce qu'elle a fait de mal. Il aura suffi que Barbara la populaire la prenne en grippe pour que les autres "moutons" ("des élèves à qui je n'avais jamais adressé la parole") se mettent à participer au lynchage. Le témoignage de Cloé, la meilleure amie d'Emilie, est édifiant : si la jeune fille reste à l'écart des hostilités, elle ne défendra jamais sa copine victime, de peur des représailles : il faut choisir son camp pour ne pas être aussi "une paria"... Or Cloé est plus fragile, elle n'a pas sa famille pour la soutenir.

 

Pour Emilie, "ma famille était mon sanctuaire", c'est d'ailleurs grâce à elle qu'elle réussit à subir des mois d'agressions verbales et physiques sans craquer. Consciente que sa mère "serait toujours là pour moi", elle n'ose cependant pas lui parler de la situation, honteuse des humiliations qu'on lui inflige et surtout persuadée que "mes problèmes ne feraient que s'aggraver si les adultes intervenaient". Comme souvent dans ce genre de roman, le corps éducatif est malmené (et c'est agaçant !) : si l'attitude d'Emilie alerte certains (l'infirmière, la documentaliste...), elle laisse indifférents les autres (le prof de maths "n'a rien vu"). L'ignoble CPE dédramatise même complètement la situation ! Personne ne réalise vraiment "l'enfer dans lequel j'évoluais quotidiennement"...

 

Finalement Emilie trouvera quelqu'un à qui se confier mais n'est-il pas déjà trop tard? Si la jeune fille finit par s'en sortir, on ne sait absolument pas comment (il y a une ellipse de plusieurs années)... Ni ce qu'il est advenu de Barbara la harceleuse : a-t-elle été sanctionnée ? L'issue de l'histoire est donc à la fois frustrante et dérangeante. Reste à espérer qu'Emilie aura su intégrer ce très beau conseil : "Ne laisse jamais personne te faire croire que tu n'es pas belle. Tu es toi et tu es magnifique".

Novembre 2017

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