Comment continue-t-on à vivre quand quelqu'un vous manque autant ?
Un an déjà que le père et le plus jeune frère de Cedar ont disparu dans un accident de voiture. Ce premier été après le drame, l'adolescente, sa mère et son frère Miles s'installent dans leur nouvelle maison de vacances, dans la petite ville d'Iron Creek, et tentent de se reconstruire.
Très vite, les mystères se succèdent : qui est ce garçon bizarrement costumé qui passe chaque jour à vélo devant la maison ? Qui peut bien déposer des objets sur le rebord de la fenêtre sans explication ? Dans les coulisses de Summerlost, un festival de théâtre, Cedar se laisse entraîner par Leo sur les traces d'une actrice disparue dans d'étranges circonstances...
Texte : 4e de couverture
Mon avis :
Il y a dans ce roman une atmosphère indéfinissable et captivante, pleine de sentiments mêlés.
Cela commence par de la tristesse, puisque son père et son frère décédés manquent à Cedar et que leur souvenir peuvent remonter à tout moment. Un deuil empreint de culpabilité pour la jeune fille car Ben, que l'on devine autiste (il était "différent", "à part", poussait parfois des cris, avait besoin de rituels), n'était pas toujours facile à vivre. Pour autant elle avait appris à l'aimer et "malgré tous nos efforts, ça ne marchait pas pareil" sans eux.
Heureusement il y a Leo, son compagnon d'été au visage lumineux, plein de vie et d'idées. Chaque été, Leo travaille comme vendeur pour l'association qui organise le Summerlost Festival, consacré au théâtre de Shakespeare. Cette année, on fête le vingtième anniversaire de la mort de Lisette Chamberlain, célèbre actrice locale ("C'était une fille d'Iron Creek avec de grands rêves. Et elle les avait réalisés."). Passionné par la vie, et la mort mystérieuse, de Lisette, Leo embarque Cedar sur ses traces (qu'est devenue la bague en or qu'elle portait le soir de sa dernière représentation ? Les tunnels empruntés par les acteurs à l'époque existent-ils toujours ?) - une vraie bouffée d'air frais pour l'adolescente : "Il me faisait réfléchir. Il me faisait rire." ! Grâce à lui et à son emploi à l'atelier de costumes, Cedar se change les idées, même s'il existe une sorte d'écho entre la mort de l'actrice et celle de Ben : "Cet été, j'avais consacré beaucoup de temps à la mort des autres. Mais d'une certaine manière, ça m'avait aidé à me sentir en vie. Parce qu'il ne s'agissait pas de mes morts." Avec cette plongée nostalgique dans le passé du vieux théâtre destiné à être détruit, Cedar comprend qu'il est possible de continuer d'avancer sans pour autant que les événements ni les gens tombent dans l'oubli : "Je peux trouver une belle façon de me souvenir".
Peu à peu, "la masse grise et boueuse de tristesse, de frustration et de colère coincée dans ma tête, mon cœur, mes poumons" se délite. Si cet été avec Leo n'aura été qu'une parenthèse dans la vie de Cedar, il aura suffi à lui faire réaliser que si "je ne savais pas encore ce que je désirais", "les choses avaient changé" : "J'avais des rêves", à nouveau.
Patricia Deschamps, juillet 2017