L'amour au subjonctif

roman de Pascal RUTER

C'est incroyable ce qu'on apprend, le matin, en potassant le paquet de céréales, et celui qui aura l'idée d'y imprimer le programme du brevet, il méritera le prix Nobel.

Si Roméo fait du latin, c'est pour être dans la même classe que Juliette. Roméo est amoureux de Juliette depuis la maternelle... Leurs prénoms ne peuvent pas être un hasard, non ?

Alors quand Madame Kroc, la prof de latin, organise un voyage en Italie, Roméo y voit l'ultime chance d'avouer ses sentiments à l'élue de son cœur.

Cependant, pendant ce séjour, rien ne se déroule tout à fait comme prévu... Y compris du côté des adultes !

Mon avis :

Un roman sentimental plein d'humour !

Si les sentiments de Roméo pour Juliette constituent le fil conducteur de ce roman, c'est avant tout l'histoire d'un voyage scolaire bousculé par les personnalités constituant le groupe. Du côté des adultes, nous avons un chauffeur de bus rock'n'roll nommé Tarzan, amateur de la série télé Cœurs déchirés, contrastant avec une prof de latin érudite et exigeante, Madame Kroc ; une prof de musique un peu rêveuse qui chantonne sans arrêt, Madame Triolet, sans oublier le discret Monsieur Gentil, prof d'histoire passant son temps dans les cabines téléphoniques (on note au passage l'amusement de l'auteur dans le choix des patronymes !)... On ne sait pas si c'est le fait d'être en dehors du collège ou bien si c'est l'influence de Tarzan, mais les trois enseignants se relâchent au fil des jours sous le regard mi-surpris mi-amusé des élèves ("En voyage, on déraille tous un peu") : j'ai beaucoup aimé les tentatives d'humour savant de Madame Kroc, ainsi que les nombreuses scènes, très drôles, où les professeurs sont incapables de compter du premier coup leurs 28 malheureux adolescents !

Parmi ces derniers, cinq voix se détachent des autres, prenant la parole tout à tour. Roméo bien sûr, l'intello au papa philosophe qui connaît par cœur les répliques de Shakespeare dans sa pièce favorite. Juliette, qui semble malheureusement l'apprécier de manière inversement proportionnelle... Il est vrai qu'il est bien ridicule avec ses Ray-Ban qu'il ne quitte jamais et sa manie de bafouiller tout le temps ("C'est pas facile la communication, dès que l'amour s'en mêle"). Cependant, sans le savoir, ils ont en commun l'amour du... subjonctif imparfait ! On a d'ailleurs droit à quelques verbes ici ou là ("le subjonctif, je trouve ça rassurant, surtout quand on aborde la question des sentiments" !). Mais il y a aussi Merlin (Leroi...) le cleptomane "qui avait déniché des bibelots tout dorés" (entre autres un encensoir et un calice volés dans la Basilique Saint-Pierre !). Anna et Zoé sont un peu moins attachantes. Cependant j'ajouterai une mention spéciale à Slavpa qui ne comprend pas pourquoi les autres le fuient !..

Toute cette petite troupe débarque donc à Rome, découvre ses principaux sites (on a droit en passant à un beau délire sur les empereurs romains), ainsi que d'autres à Pompéi (autre scène cocasse sur la fresque du Priape !) et enfin à Naples. Mais on se doute que la découverte culturelle n'est pas la priorité des élèves ! Il va d'ailleurs y avoir des changements de programme imprévus... Au récit s'ajoutent les réflexions intérieures des cinq adolescents, qui vont tous repartir transformés par cette expérience : "Je me suis demandé si on ne se sent pas plus proche des siens quand on est loin d'eux, et même s'il ne vaut pas mieux être loin les uns des autres pour se comprendre tout à fait", "Quand on prend de la distance, on voit parfois les choses dans leur ensemble et ce qui était obscur devient alors parfaitement lumineux". Le roman se termine dans l'optimisme et la bonne humeur grâce à Tarzan qui a su transmettre en douceur sa philosophie personnelle : "Rock'n'roll jusqu'à la fin de la vie" !

Patricia Deschamps, février 2017