Partout dans le monde, les monstres peuplent les histoires.
A commencer par celle de Khodumodumo, le serpent gigantesque qui sème la terreur en Afrique australe. Il ravage les villages, dévore tout sur son passage. Jusqu'au jour où un garçon se dresse sur sa route...
Mon avis :
Une fois de plus, Jacques Cassabois nous régale de son écriture vivante et raffinée qui sait si bien raconter les histoires ! Celles-ci proviennent du monde entier : Afrique, Danemark, Vietnam, Laos, ou encore contes indiens. Les monstres y prennent différentes formes, depuis le serpent mangeur d'hommes au dragon bicéphale, en passant par "les spectres de gens morts" qui hantent la forêt la nuit, "morts-vivants prisonniers de leur rancune". La chatte vampire du conte japonais est une créature fantastique digne d'Edgar Allan Poe. La vouivre, célèbre personnage mythique de Franche-Comté (dont s'est inspiré Marcel Aymé pour son roman), se présente sous la forme d'une vipère dotée d'ailes de chauve-souris et elle est recherchée pour le rubis magique qu'elle porte au front, "pierre de vie qui effaçait tous les obstacles, offrait puissance, pouvoir".
Cependant ce sont les deux contes d'enfant-monstre qui m'ont le plus marquée. Dans le premier - qui ne va pas sans rappeler Blanche-Neige avec son histoire de méchante belle-mère jalouse, de jeune fille épargnée par son bourreau et abandonnée dans la forêt - le garçonnet, "comme enfanté par la forêt", est un croisement horrible de plusieurs animaux. Mais sa mère, tombée enceinte... d'un fromage (!) suite à une malédiction, l'accepte tel qu'il est : "Mon petit, je t'aime quel que tu sois". Le second enfant-monstre, profondément mal formé, est par contre rejeté, du moins dans un premier temps. Son chemin croisera heureusement "des hommes capables de donner le meilleur d'eux-mêmes à la pire des créatures" et le message final est magnifique : "- Qu'allons-nous faire, maintenant ? - Utiliser nos cœurs, comme il nous l'a montré".
Ainsi, l'évolution aura été positive entre l'histoire d'ouverture où le héros voit sa gentillesse se retourner contre lui ("- Ta mère aussi t'a rejeté. - Alors, nous n'avons plus rien à faire parmi les hommes.") et le dernier, conte indien d'homme-bison, dans lequel la métamorphose physique engendre un nouvel état d'esprit : "Ils nous ont confié une mission : servir les hommes, afin qu'ils aient le cœur plus grand". Et même si l'optimisme reste fragile - l'homme n'a rien à envier cette farandole de monstres, comme le dit l'auteur lui-même - on reste sur cette idée d'espoir d'un monde plus tolérant et bienveillant.
Patricia Deschamps, septembre 2017