Toute vérité est bonne à dire !
Choqué par les attentats du 7 janvier 2015, et particulièrement par le massacre de la rédaction de Charlie Hebdo, Tom, un collégien de 15 ans, prend brutalement conscience que les valeurs de la République, ses valeurs, sont en danger. Sa réaction est de créer un journal satirique, avec trois camarades de sa classe de 3ème : Sliman le caricaturiste, Sarah la journaliste et Max le vendeur.
Pourtant, très vite les "charlibertaires" doivent faire face à des réactions plus ou moins vives. Mais que ce soit de simples appels à « ne pas blesser qui que ce soit », ou des menaces et autres injures, rien ne les fait dévier de leur volonté de faire de Charliberté le symbole de la liberté d’expression...
Mon avis :
Un roman original qui ouvre le débat sur des sujets pertinents.
L'histoire du journal Charliberté, c'est Sarah qui nous la raconte, adoptant à la fois le point de vue interne de la collégienne impliquée dans sa rédaction tout en conservant une certaine distance par rapport à un projet dont Tom est l'âme véritable. L'adolescent est impressionnant de maturité dans sa réflexion et il lance les idées à débattre avec délectation : "La liberté d'expression s'arrête là où commence le respect des autres" mais "qui définit cette frontière à ne pas dépasser et où passe-t-elle" ? "Pourquoi est-ce que intello est une insulte" ? Parce que "l'intello, c'est celui qui renvoie à la face de l'autre sa médiocrité". "Un être humain, c'est quoi ? (...) Nos articles suggéraient une réflexion sur la violence animale et la nature prédatrice de l'espèce humaine".
Ces thématiques ne sont évidemment pas bien perçues par certains : parmi les détracteurs du journal, un groupe de quatre "abrutis" et des "extrémistes de tout poil" comme cette "ultrareligieuse" qui se sent injuriée dans sa croyance en Dieu. Les dessins de Sliman, surtout, sont très mal perçus. Tom et sa bande affrontent la bêtise et la haine avec courage et aussi une bonne dose d'humour, jusqu'à ce que les attaques dépassent les limites... Le parallèle est flagrant avec Charlie Hebdo, cette équipe de rédaction junior subissant, à plus petite échelle mais avec tout autant de violence, la même expérience que son modèle.
La fin est un peu abrupte mais c'est tant mieux, elle n'en rend que plus crédible l'aventure Charliberté et plus fort le combat mené. Et puis le livre se termine tout de même sur un message d'espoir : "ne jamais désespérer de ce monde" !
Patricia Deschamps, décembre 2016