Mortagne n'est pas un patelin tranquille. Ceux qui travaillent le bois ne peuvent pas encadrer les vignerons et inversement. La haine fouette les murs. Les coups tordus pleuvent sans prévenir. Martial, lui, n'a qu'une envie : fuir. Éviter les incidents. Et échapper à la phrase que tout le monde répète : "Je suis né chasseur! Je mourrai pas gibier!" Parce que la chasse, ici, tout le monde pratique. Sauf Terence. Il a la tronche en biais. Il ne sait ni travailler ni chasser. C'est pour ça que Martial l'aime bien. Et qu'il ne supporte pas qu'on se défoule sur lui.
(4e de couverture)
Mon avis :
Petit village, grande haine.
Le carnage décrit d'entrée de roman donne le ton: Mortagne est un monde de violence. Avec "le fusil que j'ai utilisé pour dégommer tout le monde", le jeune Martial a fait cinq morts et deux blessés graves. Comment ce garçon sans histoires en est-il arrivé là?
Tout a commencé par un énième règlement de comptes. Et cette fois, pas entre ceux de la scierie et ceux de la vigne: c’est une vengeance de scieur contre scieur, de Frédo contre Arnaud, le frère de Martial. Pour ce dernier, c’est le conflit de trop (« Il racontait partout que mon frère allait se marier avec son alibi. »), d’autant qu’il va faire une victime collatérale: Terence, « le pleu-pleu du patelin ».
Terence est un simplet qui n’a jamais embêté personne. Il est de toute façon tenu à l’écart du fait de son handicap. La scène où, après que Frédo soit allé « se défouler chez Terence », Martial décrit « son horrible visage mutilé », est vraiment atroce. On ressent une grande compassion pour le pauvre bouc émissaire.
Si Terence subit sans rien dire, il en va tout autrement pour le héros. On sent bien que Martial s’efforce de sortir de la haine ancestrale, de briser cette mentalité qui se transmet sans raison de génération en génération. Pour autant j’ai été gênée par la violence dans laquelle baigne tout le roman car, à la différence des autres livres de l’auteur que j’ai lus, qui étaient des romans d’horreur, on est dans un récit qui se veut réaliste et dont les événements pourraient arriver (de nombreux faits divers en témoignent). Je trouve un peu malsain de mettre ce genre d’histoire entre les mains de collégiens.
En refermant le livre, c’est un sentiment de tristesse qui prévalait, la tristesse de voir un adolescent qui n’aspirait qu’à l’insouciance de son âge, victime de la haine des adultes.
Patricia Deschamps, septembre 2024