Boston, 1919.
Sur son lit d'hôpital, le musicien afro-américain James Reese Europe vit ses derniers instants. Il se remémore son parcours. La création du Chef Club, orchestre et association défendant les intérêts des musiciens noirs, son engagement volontaire dès l'entrée en guerre des USA et les premiers concerts de jazz joués en Europe par son orchestre.
L'avis de Fabien, bibliothécaire :
Cette splendide bande dessinée revient sur celui qu'on a surnommé "le Martin Luther King de la musique". En effet James Reese Europe lutta activement pour l'intégration et l'égalité des droits des afro-américains. Musicien, compositeur et chef d'orchestre, il est déjà célèbre quand il s'engage dans l'armée américaine en emmenant avec lui une cinquantaine de musiciens. Le choc ressenti par les Européens ébahis qui découvrent le jazz et le ragtime est immense, d'autant que Jim Europe et son orchestre ont réarrangé les hymnes nationaux pour en donner des versions swinguantes qui séduisent d'emblée. Mais loin de se contenter de jouer sa musique, James Reese Europe exigea de monter au front et de pouvoir se battre, chose qui n'était auparavant réservée qu'aux soldats blancs ! Sa mort stupide en 1919 met prématurément fin à la vie de ce grand homme dont l'apport culturel est capital et les combats toujours d'actualité. Très belle BD donc, avec un passionnant cahier documentaire en fin de volume.
Octobre 2018
Mon avis :
Une bande dessinée entre musique et ségrégation.
Quand James Reese Europe a intégré le 15e régiment de la garde nationale, son objectif était double: "créer une fanfare de prestige qui frapperait les esprits ici et de l'autre côté de l'Atlantique" et "arracher enfin les mêmes droits que les Blancs, d'abord dans l'armée, puis en dehors". Si son orchestre afro-américain fait effectivement un triomphe partout où il passe ("chaque fois que nous donnions un concert, c'était l'émeute"), le "joug de la ségrégation" est bien plus difficile à lever...
Europe et ses camarades embarquent pleins d'allégresse : "Deux siècles après nos ancêtres, nous retraversions l'Atlantique en hommes libres". Ils sont en effet persuadés qu'il leur suffit de "prouver leur valeur et leur patriotisme pour être acceptés comme des citoyens de plein droit". Mais une fois sur place les attendent corvées de chantier, manutention et terrassement : ils sont considérés comme inaptes à la guerre par leur hiérarchie blanche... C'est leur talent de musiciens qui les sauvera puisqu'on leur demande d'assurer plusieurs concerts ici et là. Enfin envoyé au front, Europe profite des jours de repos pour "divertir ses camarades de cagna sur un piano de fortune". Par ailleurs, l'expérience lui inspire plusieurs chansons. Mais une fois la guerre terminée, retour à la ségrégation : le mérite des Noirs en tant que soldats n'a aucunement amoindri la tension raciale...
Le style graphique, qui s'épanouit dans les grandes vignettes, force sur le trait noir et sur les couleurs sombres (vert, brun), ce qui va bien avec le thème et l'époque. Le cahier documentaire vient judicieusement compléter voire éclaircir cet album dense en informations. L'auteur y évoque, entre autres, le long combat pour la reconnaissance des artistes noirs (qui m'a fait penser aux précurseurs comme le clown Chocolat), et l'utilisation de la musique comme instrument politique par J.R. Europe. Je ne connaissais pas du tout l'homme et il est bien dommage que son action pour les droits des Noirs ne soit pas davantage évoquée dans les publications pour adolescents !
Patricia Deschamps, mai 2019