Sur les centaines de milliers d'enfants déportés par train à Auschwitz, seuls cinquante-deux de moins de huit ans survécurent. Ils avaient été mieux cachés que d'autres. J'étais l'un de ces enfants.
En 1945, Michael Bornstein est âgé de 4 ans lors de la libération du camp d'Auschwitz par les Soviétiques. Soixante-dix ans plus tard, travaillant à partir de ses propres souvenirs, de documents officiels, de témoignages, Michael raconte son histoire avec l'aide de sa fille, Debbie Bornstein Holinstat : du ghetto de Zarki à l'après-guerre en Pologne, de la tragédie à la résilience, il évoque le courage de son père, l'amour de sa mère, l'innocence d'un enfant confronté trop tôt à l'horreur. Et aussi l'espoir, l'héroïsme, la détermination.
(4e de couverture)
Mon avis :
Voici l'incroyable histoire du Juif polonais Michael Bornstein, que l'on voit en photo sur la couverture du livre à l'âge de 4 ans au moment de la libération du camp d'Auschwitz par les Soviétiques. Dans une introduction très émouvante, il raconte comment, 70 ans après les événements, il a ressenti le besoin de "témoigner pour rétablir la vérité" avec l'aide de sa famille ("Trois mille quatre cents Juifs vivaient et travaillaient à Zarki avant l'Holocauste. Moins de trente étaient revenus, dont la majorité faisaient partie de ma famille. Nous appartenions à un club très fermé de survivants, dont la chance avait eu raison de l'adversité.") Les nombreuses photos en fin d'ouvrage font réaliser l'atrocité de ce qu'ils ont traversé et le miracle que constitue leur survie.
Quand les Allemands envahissent la Pologne, la mère de Michael est enceinte de lui. On suit donc la famille Jonish Bornstein dès le début de la guerre ("Nous ne venions rien venir") dans "une demeure débordante d'amour autant que d'angoisse". Le père de Michael est nommé président du Judenrat, une position intermédiaire délicate entre les officiers nazis ("Papa usait de son influence") et la communauté juive ("Le Judenrat pouvait choisir trente hommes qui resteraient. Les autres seraient emmenés par train vers l'est"). Ce qui transparaît surtout durant cette période, c'est la solidarité au sein du ghetto.
A l'été 1944, le sympathique Hauptmann Brendt ne peut plus retarder l'envoi des Juifs de Zarki au camp d'Auschwitz. Là encore, c'est à la fois la détermination des uns et des autres ("J'étais un survivant-né") ainsi qu'à quelques circonstances favorables, que le petit Michael doit sa survie.
J'ai apprécié que l'auteur poursuive son récit après la libération: "Nous avions survécu à l'Holocauste. Et maintenant?". Villes détruites, familles dispersées, antisémitisme toujours prégnant ("Cet antisémitisme rampant et silencieux"): il faut désormais "repartir de zéro". Chacun a fait des choix différents (se cacher dans un grenier, confier son enfant à des religieuses) et les retrouvailles sont poignantes, même si la mort de certains pèse sur les cœurs.
Après six longues années d'attente (d'argent et de visas), c'est finalement aux Etats-Unis que Michael trouvera refuge ("En Amérique, si tu gagnes de l'argent, personne ne te le prendra. Si tu as une maison, personne ne peut te la voler pour s'y installer à ta place") et où il construira sa nouvelle vie, prouvant que "on peut tout rebâtir à partir de rien". C'est avec émotion que l'on apprend comment il a découvert le film tourné à Auschwitz par les Soviétiques, dans lequel il apparaît. J'ai aussi beaucoup aimé le symbole que représente la coupe de kiddouch, unique objet retrouvé dans la cachette du jardin: "On pouvait tuer des gens, certainement pas la foi!".
Merci à Michael Bornstein pour ce témoignage touchant et précieux qui est pour nous une formidable leçon de vie ("J'aime bien me concentrer sur ce qui est positif")!
Patricia Deschamps, juin 2021