En rentrant du collège pour les vacances scolaires, Efi est convaincue qu'elle est une ado comme les autres et qu'à quatorze ans le monde lui appartient. Elle regagne son village, fière d'un carnet de notes exemplaire. Mais cela ne compte plus pour les siens. Elle est une fille nubile à présent, c'est-à-dire : bonne à marier.
Plus de liberté, plus d'horizons, plus de livres ni de balades avec les copines. Son avenir est désormais entre les mains d'un père, puis celles du mari qu'on lui a choisi. Elle est devenue une marchandise, un cadeau que s'offrent les familles. Arrachée à l'enfance, ses rêves piétinés, Efi entre dans l'enfer du mariage forcé.
(4e de couverture)
Mon avis :
L'histoire révoltante de ces filles destinées à "un avenir préfabriqué et carcéral".
Elles sont encore des millions à travers le monde à subir des traditions archaïques. Efi, comme tant d'autres, subit, dans son petit village (d'Afrique?), une société où les hommes détiennent tous les pouvoirs. Sa mère, elle ne l'a jamais vue "s'asseoir, ni rêvasser", toujours à s'occuper des enfants et des corvées ménagères. Et maintenant, c'est son tour, à elle, d'entrer chez les "nubiles" qui n'ont plus le droit de sortir seules ni de s'habiller comme bon leur semble, de s'amuser avec les copines et de parler librement. En attendant d'être livrée à sa belle-famille, l'adolescente ne doit pas faire honte à sa famille ("Maintenant ma place est ailleurs. A l'intérieur").
A ce milieu étroit d'esprit s'oppose celui de l'école. Efi est une des rares jeunes filles du village à être allée au collège, où on l'a ouverte à toutes sortes de connaissances ("L'école, la seule façon de s'en sortir"). Intelligente, cultivée, Efi est d'autant plus consciente de l'injustice ("C'est donc ça l'amour ici? Une histoire de famille. Un business.") et de la nécessité de se battre. Son souhait le plus cher est de devenir ingénieure "pour changer les choses". J'ai aimé le personnage de Âta, son frère aîné, qui à sa manière subit aussi "cette place d'homme que les nôtres lui ont réservée" et qui va la soutenir dans sa démarche ("Notre pays a besoin de filles comme toi").
Mais au village, "c'est dangereux de penser ainsi" et Efi prend bien des risques à s'opposer à la volonté ancestrale ("Ici, mieux valait perdre une fille que perdre la face")... Heureusement son enseignante lui a parlé d'une ONG œuvrant pour les droits des femmes et j'ai apprécié que le roman évoque les recours possibles, même si bien sûr, rien n'est simple. L'histoire se conclut d'ailleurs sur cet "espoir fou de faire changer les choses", en agissant, en témoignant ("Ca dépend d'eux, de toi, de moi") afin que ces femmes récupèrent leur liberté et leur dignité. Et, en promouvant ce genre de lecture, que les adolescentes de chez nous soient conscientes des leurs et en fassent bon usage.
Patricia Deschamps, février 2021