iRachel

roman de Cass HUNTER

Les gens peuvent être bizarres, désagréables ou infidèles, alors qu'un bon robot ne vous laissera jamais tomber.

JCLattès, 2018, 366 p.
JCLattès, 2018, 366 p.

 

Rachel est une ingénieure surdouée et Aidan un mari aimant et compréhensif.

 

Hélas, à la mort prématurée de Rachel, Aidan doit faire front pour continuer à élever seul leur fille unique.

 

Mais Rachel a laissé derrière elle le projet de sa vie, un cadeau d'amour pour leur permettre de continuer à se voir même après sa mort. Un cadeau nommé iRachel.

 

(4e de couverture)

Mon avis :

Quand l'intelligence artificielle parvient aux limites de l'humain.

Scientifique brillante, Rachel a mis au point avec son collègue de labo Luke un incroyable androïde "capable de réagir face à quelqu'un, de lire tous les signaux non verbaux émis par les gens et d'éprouver empathie et compassion". Se sachant menacée d'une rupture d'anévrisme (cause du décès de sa propre mère), elle lui a donné son apparence, sa voix et ses expressions faciales, et transféré dans sa mémoire une foultitude de souvenirs personnels et d'enregistrements vidéos. Ainsi, à la mort prématurée et donc inattendue de sa femme, Aidan se retrouve à vivre "avec une réplique robotisée de ma défunte épouse"...

 

Pour Rachel l'objectif était évident : aider ses proches à "affronter le chagrin qu'ils ressentaient". Mais Aidan et Chloé sont franchement réticents : "Elle est comme toi et en même temps non", "C'est une version de toi immobile, parfaite, silencieuse, inodore, sans souffle". Bref "nous la trouvions inquiétante". Il faut dire que iRachel analyse toutes les situations de manière ultra scientifique, en interprétant des données objectives telles que le rythme cardiaque, la fréquence respiratoire ou les mimiques du visage. Or il n'est pas évident pour un robot de "lire les humeurs" et d'y réagir pertinemment! Les non-dits de la communication lui échappent, ce qui rend les échanges déroutants voire angoissants.

 

Cependant iRachel tient à progresser dans les interactions humaines - elle a été conçue dans ce sens. Le récit alterne son point de vue avec celui des autres personnages et il est captivant de voir leur évolution à tous, même si l'auteur détaille parfois trop la psychologie des protagonistes au détriment de l'intrigue. Tout bascule le jour où iRachel a sa première réaction spontanée (et non programmée) : l'émotion n'est-elle pas ce qui caractérise, entre autres, l'humanité ? "Tout ce que j'ai appris jusqu'ici se fondait sur des données quantifiables", constate l'androïde, mais peu à peu se développe en lui "une personnalité propre", un "sentiment d'identité" ("Je veux") qui fait qu'iRachel devient "un être autonome, doué de raison et de sentiments" loin des stéréotypes qui la définissaient jusqu'alors. Peu à peu Luke arrête de la traiter comme "un rat de laboratoire" et Aidan "avait cessé de la considérer comme un androïde, pour l'envisager comme une femme".

 

Ainsi, si iRachel n'a fait que retarder un deuil aussi inévitable que nécessaire, elle aura contribué à changer le regard des uns et des autres ("On a tous fini par l'apprécier"), sur la situation comme sur eux-mêmes. Chloé, complexée par une mère géniale, finit par trouver confiance et sérénité. Aidan, "plein d'une énergie nouvelle", se lance dans de nouveaux projets. Dans les derniers chapitres, tout se précipite pour notre plus grand plaisir! J'ai notamment apprécié le rôle croissant donné à la grand-mère, Sinead, personnage plus subtil qu'il n'y paraît et qui vient relancer l'intrigue. Mais c'est parce que j'ai trouvé la fin émouvante que je me suis dit que l'auteur avait réussi son pari: faire de son héroïne-robot un personnage véritablement attachant.

Patricia Deschamps, août 2019


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