Le pays de Brahim est le Soudan: un beau pays, mais devenu très dur. Beaucoup trop dur. De la même façon que des milliers d'autres garçons, Brahim est obligé de fuir et de prendre la route. Son père le dit: « Il faut que tu partes, que tu te sauves : en Angleterre existe le salut. » Brahim s'en va. Il rencontre toutes les épreuves qu'on peut imaginer : le désert brûlant, la barbarie des pirates libyens, la mer hostile et redoutable, puis l'Europe. Les routes glaciales, les violences policières, la clandestinité. Un matin d'hiver, après avoir encore marché jusqu'à l'épuisement, Brahim entre dans un petit village des Ardennes, et enfin, il se trouve quelqu'un pour le considérer comme un Homme et l'accueillir.
(4e de couverture)
Mon avis :
Avec ce roman saisissant, Xavier Deutsch interpelle sur la situation des migrants. Il commence par évoquer des dizaines de personnages, Africains ayant chacun une excellente raison de fuir leur pays: famine, chômage, guerre... Le procédé fait parfaitement ressentir l'effet de masse de cette détresse et l'espoir que représente l'Europe.
Puis le point de vue se concentre sur l'un de ces jeunes hommes, Brahim. Brahim a quitté le Soudan, "quitté l'enfer, et traversé l'enfer" à la demande de son père ("Brahim porte l'espoir et le fardeau"). Il a bravé bien des dangers et des souffrances pour parvenir en Belgique et le chemin est encore long jusqu'au Royaume-Uni... Brahim est "absolument seul. Dans cette pièce, dans cette ville, dans ce pays, sur ce continent"...
Enfin on bascule sur Gaston, que sa route a croisé et qui l'héberge le temps de "se refaire". Gaston est un homme juste et généreux. A travers lui, on prend conscience de la façon dont sont (mal)traités ces pauvres gens qui parcourent des milliers de kilomètres pour trouver une vie décente. Les brutalités policières, surtout, le révulsent ("Dans son pays, la police ôte son attelle à un jeune homme dont la main est cassée, et le relâche un jour d'hiver sans lui rendre ses baskets"). Comment peut-on se comporter ainsi dans des pays comme les nôtres? Le gouvernement est remis en cause, lui qui certainement, légitime de tels agissements ("Si les policiers se comportent d'une si violente façon, sans que jamais leur soit opposé un blâme, c'est qu'ils en ont reçu la consigne").
Dans son petit village (dont il est le bourgmestre), Gaston doit aussi faire face aux préjugés de certains. Or, "Brahim, c'est un petit gars comme tout le monde". Ces Africains en cavale, ce sont "des humains" comme nous. Fort de ses convictions, Gaston assume ses actes, ce qui lui procure d'ailleurs "une profonde paix de l'âme".
La fin est aussi émouvante que cruelle, à l'image de la thématique. Reste un texte touchant et mobilisateur, auquel le lecteur ne peut être que sensible.
Patricia Deschamps, août 2022