"Les Tricolores, on adore, les Mèches folles, à la camisole."
Thibault, élève de 3ème, voit un matin la fille pour laquelle il en pince, Kristina, arriver en classe avec une mèche blanche dans les cheveux. C’est un signe de ralliement pour le mouvement religieux rigoriste qu’elle vient de fonder. Désormais, elle n’aura de cesse de recruter de nouveaux adeptes.
La réaction ne se fait pas attendre. Kader, le plus proche ami de Thibault, voit dans ce prosélytisme au sein du collège une menace pour le principe de laïcité. Alors il crée son propre mouvement, qu'il baptise les Tricolores. Son credo est de défendre farouchement les valeurs républicaines.
Emporté par son tempérament passionné, Kader entame une véritable guerre idéologique contre les Mèches blanches qui, en réaction, se radicalisent encore davantage...
Mon avis :
Comme dans Je suis Charliberté, Arthur Ténor s'attaque à un sujet d'actualité pertinent : comment concilier convictions religieuses et laïcité dans un monde envahi par les extrémismes ?
Le personnage de Kristina est impressionnant de conviction. Elle a parfaitement intégré toutes les inepties, les "théories fumeuses" qu'elle a lues et son discours intégriste est bétonné d'arguments : "Si j'étais fermement convaincu qu'elle avait tort, j'étais incapable de le lui démontrer". Enfermée dans son "fascisme obscurantiste", elle donne "l'impression de parler à un mur".
En face, Kader défend les valeurs de la République avec passion. Trop de passion. Si son ami fascine Thibault ("Il finirait par trouver une belle place dans cette société sans concession, parce qu'il avait appris à se défendre, qu'il avait déjà l'expérience du pire et une féroce ambition."), ses joutes verbales avec la leader des Mèches blanches virent au pugilat. Au cœur du débat : "Pensez-vous que la laïcité soit une valeur importante dans une société comme la nôtre, et comment doit-elle s'appliquer au sein d'un collège public ?".
Au centre, "ceux qui préfèrent se laisser guider par la raison et la sagesse" comme Thibault, tiraillé entre son meilleur ami et la fille dont il est amoureux, sensibilisé au bouddhisme aussi par sa mère : "La laïcité est un principe de sagesse qui nous aide à vivre ensemble, quelles que soient nos différences culturelles ou religieuses".
C'est une intervenante extérieure qui finalement débloquera la situation. Mme Ramos, venue témoigner, à travers le drame qu'elle a vécu, de la "folie extrémiste", a des airs de Latifa Ibn Ziaten, entre souffrance et dignité. Surtout, elle va encourager les jeunes à "cultiver ce minimum de modération et de tolérance qui rendent possible le bien vivre ensemble". Kader apprendra "la maîtrise des passions", Kristina à "accepter que les autres puissent être animés de convictions différentes", Thibault sera conforté dans sa "voie du milieu" alliant modération et fermeté.
Un livre didactique pouvant servir d'outil de réflexion autour d'une "sacrée leçon d'humanité".
Patricia Deschamps, février 2018