Ce ne sont pas les fantômes qui font peur aux vivants, c'est la mort,
l'angoisse de disparaître.
La vie de Mathis a pris un tournant bien sombre depuis que son frère s’est tué en voiture. Oscillant entre soirées alcoolisées avec sa bande d’amis et job étudiant au journal du coin, son été s’étire dans la chaleur et la culpabilité. Il dérive jusqu’à Éléonore, jeune femme pleine de charme et de mystères. Ses goûts, ses paroles, ses passions s’accordent à merveille à ceux du jeune homme, bien qu’elle refuse tout contact physique...
(4e de couverture)
Mon avis :
Vu le titre, on sait d'emblée que la belle Eléonore dont Mathis tombe amoureux est un fantôme. C'est donc à partir du moment où elle lui dévoile son identité (un tiers du roman) que l'intrigue décolle. Celle-ci nous plonge dans le passé d'une femme qui a réellement existé, la princesse (répudiée) Alice de Monaco, revenue pour sauver son château (hanté) qu'un promoteur immobilier veut transformer en parc de loisirs. J'ai beaucoup aimé l'ambiance générée par l'évocation de ce temps jadis où le domaine du Haut-Bois resplendissait et la princesse côtoyait de célèbres écrivains de l'époque comme Victor Hugo, Pierre Loti ou encore Marcel Proust -auteurs que Mathis affectionne ("On veut juste que cette histoire ne soit pas effacée"). Ce petit air d'autrefois contraste agréablement avec le quotidien actuel de Jaouen, le meilleur ami de Mathis, et de sa bande de jeunes amateurs de fiesta.
J'avoue n'avoir guère accroché à la dimension fantastique du récit. La Porte de l'Eclat, "qui sépare ton monde de l'Au-delà", les fantômes coincés dans l'Entre-deux, ceux qui errent dans les Limbes de l'oubli, les méchants Obscurs qui veulent prendre le pouvoir sur les vivants ("Mon grand projet, c'est le chaos, l'anarchie", dit l'ignoble Sar Lusignan)... tout cela m'a donné une impression de déjà-vu.
Par contre j'ai apprécié la réflexion sur la mort et le deuil, en filigrane tout au long du livre. La scène d'ouverture avec le chauffeur routier qui n'a pas réalisé être mort et la fascination morbide des badauds sur les lieux de l'accident, mais aussi la séance de spiritisme organisée par Jaouen, rendent compte des différentes façons d'appréhender la mort. La mort est une obsession pour Mathis qui a perdu son frère aîné dans un accident de voiture, dont il se sent en partie responsable. L'adolescent aimerait "savoir ce que Louis était devenu après l'accident" ("Pouvait-il exister autre chose que le néant après la mort?"), façon comme une autre de gérer sa culpabilité.
Au bout du compte, son expérience paranormale lui fera réaliser qu'il ne faut pas avoir peur "ni de ma mort ni de celle des autres" ("La peur de la mort empêche tant de gens de vivre!") car l'amour et les souvenirs des êtres perdus "brillent en nous".
Patricia Deschamps, octobre 2021