Fils d'Antigone

roman d'Irène COHEN-JANCA

TU ES MORT.

Rouergue, 2016, 75 p. (doAdo)
Rouergue, 2016, 75 p. (doAdo)

 

Alors que le père de Nat vient de disparaître brutalement après avoir chuté d'une falaise, sa mère lui annonce qu'elle a choisi l'incinération.

 

En plus de la douleur du deuil, il doit affronter cette idée : son père ne reposera pas sous terre, et lui n'aura pas de lieu pour aller le visiter. Pour il ne sait quelle raison, l'éventualité de la crémation lui est insupportable.

 

Devant le refus violent de Nat, sa mère lui donne quatre jours pour la convaincre de choisir plutôt la mise en terre.

 

Texte : service de presse

Mon avis :

"Dans l'appartement vide s'élève la voix de Bowie (...)" p.52
"Dans l'appartement vide s'élève la voix de Bowie (...)" p.52

Un court roman qui invite à débattre sur le deuil et surtout sur la mémoire aux défunts.

Le père de Nat vient de mourir. Dans un premier temps, l'adolescent, anéanti, doit affronter la terrible nouvelle : accident ? suicide ? "Pourquoi tu ne m'as rien laissé ?". Les incontournables formalités viennent encore plus accentuer la froideur d'un événement qui, au lieu de resserrer les liens avec ses proches, donne l'impression à l'adolescent d'être le seul à ressentir un aussi profond sentiment de "néantisation". La décision de sa mère d'incinérer le corps au lieu de l'enterrer vient faire exploser des émotions déjà difficilement maîtrisables. Après un premier débat relativement serein, Nat se transforme en "monstre sadique", déversant des flots de méchanceté et de paroles blessantes.

 

Car pour lui "le corps de mon père était sacré". La crémation, c'est "la cérémonie de ta destruction". Tel Antigone, dont l'histoire est brièvement rappelée, il veut "accomplir le devoir sacré d'ensevelir les morts" et a aussi besoin d'une tombe, d'un lieu pour se recueillir, afin "d'apprivoiser la mort de mon père". Cependant sa mère reste sourde à ses arguments : dans la famille, ils ont toujours été athées, et puis les souvenirs paternels résident déjà dans tout ce qu'il a transmis à son fils (le poème de Kipling, Tu seras un homme mon fils, Le petit Prince, la collection de vieux films dont il était friand). Malgré tout, Nat sent qu'il y a sacrilège, sans pour autant réussir à mettre des mots sur ce qu'il ressent.

 

C'est grâce à son papy Max atteint d'Alzheimer, que Stella sa petite amie l'emmène voir ("Je ne suis plus seul dans le désert"), que le jeune homme trouvera son argument final. "C'est un coup de tonnerre", une trouvaille inattendue mais lumineuse que l'auteur assène là, mettant fin à un récit intense porteur d'une belle réflexion.

Patricia Deschamps, juin 2017


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