Maëlle, ou plutôt Ayat comme elle se fait appeler maintenant, revient de Syrie. Partie de son plein gré avec sa "sœur" Amina, elle y a épousé Redouane, un membre de Daech dont elle attend l'enfant.
Mais Redouane est mort et Ayat a fini par appeler sa mère afin de rentrer en France. Depuis, elle est en liberté surveillée : assignée à résidence, elle doit pointer à la gendarmerie trois fois par jour.
Comment Maëlle en est-elle arrivée là ? Qu'est-ce qui l'a poussée vers Daesh ? Qu'a-t-elle vécu en Syrie et pourquoi a-t-elle décidé de revenir ? Quelle vie l'attend désormais ?
Mon avis :
L'histoire d'un embrigadement raconté par la jeune fille concernée et ses proches.
Ce que j'ai aimé dans ce roman, c'est que Ayat revient de Syrie et raconte donc ce qui se passe véritablement là-bas, alors que la plupart des livres sur le thème n'évoque que l'embrigadement : "C'est là que j'ai eu mes premiers vrais doutes". Sans renier sa démarche ni renoncer à ses convictions, l'adolescente aborde certaines désillusions : "On ne valait pas grand-chose pour eux, on était comme des prises de guerre. On était précieux parce qu'on était des étrangers, des Occidentaux", "ils se servaient surtout de nous pour tourner des vidéos"... Or si Ayat était venue sur la terre du Shâm, c'était pour "sauver le monde".
Ensuite la parole est donnée à son entourage, mère, sœur, amis qui reviennent sur la progressive transformation de Maëlle, dans ses propos comme dans son attitude : "Je n'ai rien vu venir", avoue sa mère, "Ou je n'ai pas voulu voir, ce qui est pire". Si l'idée d'un roman choral est intéressante, toute cette partie du livre est plus convenue, donnant une impression de déjà lu : la fragilité de la "victime" due à un élément déclencheur (le divorce difficile de ses parents, son père dépressif), le recrutement via les réseaux sociaux, les vidéos ("qui m'ont aidée à prendre conscience que le monde est rempli de mensonges") remplies de propagande et de "théories du complot" (notamment la nourriture "fabriquée pour prendre le contrôle de nos esprits et de nos corps" !), etc. Ce passage, néanmoins obligé pour un lecteur ne maîtrisant pas le sujet, m'a semblé un peu long, les différents interlocuteurs se répétant. Par contre j'ai trouvé pertinents les propos de Souad, la camarade de classe musulmane : "Tu ne sais pas de quoi tu parles (...) l'islam, c'est pas la haine, c'est l'amour". J'ai aussi été surprise d'apprendre que "le plus terrible, avec les embrigadés, c'est qu'ils deviennent aussitôt des embrigadeurs, et forcenés, croyez-moi. Ils sont terriblement convaincants, parce que terriblement convaincus". Et on le voit bien avec Jeanne, la petite sœur d'Ayat ! Mais qu'est-ce qui fait que l'une résiste alors que l'autre s'est si facilement laissée convaincre ? "Comment ma fille avait-elle pu gober ces torrents de boue ?".
Des réponses, Aïcha de la cellule de désembrigadement n'en pas pas davantage. Pour autant, son rôle est primordial : "réparer les âmes cassées", quand c'est possible... Là encore, le point de vue est pertinent : l'auteur ne se contente pas de décrypter les étapes de l'embrigadement, il va au-delà en évoquant la difficile reconstruction de l'héroïne. Au bout du compte il livre une vision très complète de ce genre de situation... et sensibilise à la vigilance autour de soi.
Janvier 2017