- Moi, j'ai confiance en vous. Je veux vous amener au meilleur de vous-mêmes. Mais vous devez y croire et vous donner à fond. Je vous avais prévenus, c'est un réel engagement. Et une question d'ambition.
Lilou, Sam, Bastien et Farouk. A 15/17 ans, ils vivent dans un de ces coins de France où on est loin de tout, une zone blanche. La seconde générale n'est pas pour eux, ils n'ont plus beaucoup d'espoir dans l'avenir.
C'est alors qu'Agathe Fortin, jeune prof de français passionnée, leur propose un cours de soutien étrange : les faire parler. Son défi : les préparer à un concours régional d'éloquence. Eux qui n'ont pas les mots vont se raconter à voix haute..
Mon avis :
Quand une enseignante de français aide des jeunes décrocheurs à retrouver confiance en eux.
Ils sont quatre à participer au cours de soutien un peu particulier de Mme Fortin. Ils n'ont pas mis les pieds à l'école depuis plusieurs mois et l'enseignante vise à travailler leur éloquence, cet "art de savoir parler", de construire des discours (encore faut-il avoir des idées, des convictions) et de développer des techniques de prise de parole. Vaste projet! Mais l'enseignante est convaincue et convaincante et pour ces quatre adolescents dévalorisés par le système, "cette femme-là, c'est ta chance, crois-moi".
La première partie est consacrée à Lilou la timide qui a peur de parler en public. Il faut dire que depuis que son frère Kylian a rallié Daesh, sa famille subit "la honte et le regard des gens". Kylian a ruiné la réputation de sa famille et les exercices de Mme Fortin (façon théâtre) vont l'aider la jeune fille à libérer ses émotions par la parole. Ils vont tous, d'ailleurs, apprendre peu à peu à utiliser les mots et enrichir leur vocabulaire afin de réussir à exprimer leur pensée, leur ressenti, leurs questions, tout ce qui est enfoui au fond d'eux et les oppresse. Que ce soit par écrit, en s'enregistrant, en récitant les textes d'auteurs célèbres choisis parce que faisant écho à leur propre vécu, ils vont finir par trouver les leurs.
Samantha rêve d'être comédienne. Derrière son allure de fille superficielle et frivole ("ça la protège de faire l'idiote"), elle cache un lourd secret: une vie nomade dans une caravane avec une mère qu'elle adore mais profondément instable (bipolaire?). Bringuebalée ici et là par "ma mère, ma tendre fêlée, ma fêlure", Sam rêve d'une vie normale. Jouer un rôle l'aide à entretenir le rêve d'une autre vie, meilleure.
Une certaine complicité va s'installer entre elle et Lilou, puis au sein du groupe, à travers ces moments de partage autour des textes et des jeux de rôle travaillés avec leur enseignante.
Bastien connaît Lilou depuis tout petit mais ils se sont éloignés à cause de Kylian. Ou plutôt à cause de la réaction des parents de Bastien envers Kylian. Aujourd'hui encore, la mère de Bastien est celle qui entretient les rumeurs sur Mme Fortin. Car les parents de Bastien ne veulent pas le voir réintégrer le lycée: leur fils doit reprendre l'entreprise familiale, qu'il le veuille ou non. L'adolescent ne connaît que "les mots qui blessent". Il n'a jamais appris à dire ses sentiments, à partager ses émotions car "pour un mec, c'est pas possible, c'est tabou". Grâce à Mme Fortin, Bastien va trouver le courage d'affronter sa peur ("je peux plus parler pareil, plus penser comme avant") pour enfin livrer "les mots qui restent sur l'estomac et tournent en rond dans la tête" ("Ca rend fou, les mots, quand tu peux pas les dire") et trouver "des armes pour penser, pour parler, se dire ce qui compte, se battre contre les abus".
Se battre pour trouver sa place, Farouk sait ce que c'est. Réfugié turc, il s'est enfui après l'arrestation de son père, accusé à tort de comploter contre son pays. Pour obtenir l'asile politique, Farouk doit raconter son histoire au juge, "se confronter à ce qu'il a vécu". Jusqu'alors, il a toujours "mis à distance ce qu'il éprouve, ignorant avec méthode la moindre émotion" parce qu'elles sont trop fortes, envahissantes, destructrices.
Ainsi, pour des raisons différentes, tous ont le même objectif imposé par leur enseignante: lutter contre le sentiment (injustifié) d'échec et de honte, et "mener la bagarre contre eux-mêmes et leurs incertitudes". Une bataille qui passe par la prise de parole afin de défendre ses convictions, grandir, penser, aimer... et être heureux.
Un bel hommage à la profession d'enseignant(e)!
Patricia Deschamps, juin 2020
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