Je t'ai pardonnée de ne rien avoir vu, et tu m'as pardonnée de ne rien avoir dit.
Durant ses années de collège, Noémya a subi tout ce qui fait le quotidien des élèves harcelés : les brimades régulières, l’isolement systématique, le poids de la honte, les reproches faits à soi-même de ne pas avoir su réagir aux attaques, l’indifférence du monde enseignant, la perte progressive de confiance, la tentation de tout casser et, combien de fois ! l’envie d’en finir avec cette vie de souffrance.
Mais, à côté de la rage qu’elle avait dissimulée «au fond de son cartable», Noémya cachait d'autres ressources qu’aucun harceleur n’était en mesure de détruire : son envie d'agir et son talent littéraire.
Mon avis :
Le témoignage authentique d'une jeune femme autrefois harcelée.
C'est un récit sans concession que livre Noémya, revenant sur le calvaire de ses années collège ("J'étais devenue une cible"), essayant de comprendre ce qui a pu lui attirer les brimades de ses camarades, analysant le "sentiment de toute-puissance" ressenti par les harceleurs et condamnant ces adultes (sa mère, le CPE, ses profs) qui n'ont pas su ou voulu voir sa détresse. Toute cette première partie est oppressante, le ton accusateur - même si l'on relativise certains propos vindicatifs : la situation aurait certainement été mieux gérée dans l'établissement de nos jours (l'action se déroule à la fin des années 90). Ce qui m'a le plus marqué, ce sont les conséquences à long terme du harcèlement : une fois au lycée, et même pendant ses études supérieures, Noémya a continué de souffrir ("Je manquais de confiance en moi"), subissant des crises d'angoisse, incapable de repartir de zéro. Il aura fallu l'écriture, de ce témoignage, mais aussi de textes de rap (inclus dans le livre), pour que peu à peu la rancune s'estompe.
"Témoigner m'a fait du bien" : c'est en mettant son vécu au service d'autres ados en souffrance que Noémya a pu dépasser son mal-être. Stages dans des associations, interventions dans des collèges, reportages télé, la jeune femme dispense désormais écoute et prévention partout où elle le peut. Des expériences valorisantes pour elle et utiles à son entourage, afin de faire comprendre qu'on n'est "pas seul". Du coup l'ouvrage se termine tout de même sur une note positive et quelques pistes de réflexion : informer les parents, former les enseignants, promouvoir les valeurs d'entraide et de respect.
Patricia Deschamps, novembre 2016