De délicieux enfants

roman de Flore VESCO

Ecole des loisirs, 2024, 215 p. (Médium+)

Depuis des jours, les écuelles sont vides, tout comme les estomacs. Dans leur maison au fond des bois, le père et la mère désespèrent de nourrir leur chère progéniture. Sept bouches voraces. Sept enfants espiègles qui ont déjà bien grandi. Sauf Tipou. Difficile de trouver sa place, quand on en prend si peu… Du haut de ses treize ans, Tipou rêve d’aventure. Cela tombe bien : la forêt noire et profonde cache d’inquiétants mystères. Qui sème ces feuilles et baies sanglantes ? Pour le découvrir il vous suffit, à vos risques et périls, de suivre les traces…

(4e de couverture)

Mon avis :

J'ai eu un peu de mal à accrocher à cette réécriture du Petit Poucet. J'ai trouvé que l'histoire était longue à démarrer, me demandant ce que ce récit pouvait bien avoir de différent par rapport à l'original. Jusqu'au moment où l'autrice nous révèle que Tipou est une fille, tout comme ses aînées! Serait-on dans la maison de l'ogre?

Il est vrai que le père cache un secret. Que représentent ces objets dissimulés dans le coffre ("porte vers le passé") que Tipou a déterré? Pourquoi le corps de son père est-il couvert de cicatrices? Pourquoi est-ce qu'ils vivent dans une maison isolée dans la forêt et ne vont jamais au village?

Tout bascule le jour où les parents de Tipou recueillent Poucet et ses frères. Les six sœurs sont fascinées par les garçons: elles n'en ont jamais vus! "Si seulement nous pouvions contempler tout notre content! Et toucher! Et le reste...": c'est bien l'éveil de la puberté et du désir qui s'épanouissent en elles. Dès lors, les six filles changent d'attitude, deviennent coquettes, font les princesses, jouent la séduction.

Tipou est différente. D'une part parce qu'elle est seule, ses aînées étant toutes des jumelles. D'autre part parce qu'elle est de constitution fragile. Mais Tipou est observatrice et elle a appris à réfléchir par elle-même. D'esprit indépendant, elle ne se laisse pas manipuler comme ses sœurs.

Les six garçons vont en effet révéler leur vraie nature. Accusant les filles d'être des "sauvages", voire des monstres, ils les font douter, symbolisant le redouté regard des autres à l'adolescence et la peur du rejet qui y est liée. On tombe finalement dans le sexisme: "Quand ils avaient quelque besoin, il leur suffisait d'une petite tape de propriétaire sur l'épaule d'une de mes sœurs, et celle-ci s'exécutait". Le père, qui craignait un danger extérieur, se rend compte qu'en réalité, "il est là, sous mon toit!".

Le célèbre épisode de l'échange des couronnes pendant la nuit est revisité avec une surprise à la clé. L'histoire se poursuit ensuite entre Tipou et Poucet, à la fois différents et complémentaires. L'ensemble est original mais pas toujours facile à comprendre, le texte étant très imagé et subtil dans sa réflexion. Ainsi, même s'il s'agit de la reprise d'un conte, mieux vaut le réserver aux lecteurs les plus matures.

Patricia Deschamps, janvier 2025