- Ces criminels veulent tuer les femmes et les adolescentes qui ne portent pas le voile, mais tu as de la chance papa. Ils ne t'imposeront jamais rien à toi. Vous, les hommes, êtes libres.
Algérie, 1994.
Comment peut-on mener une vie normale alors que des attentats aveugles tuent, que vos parents vivent dans la clandestinité et qu'il faut changer tous les soirs de maison?
Voici le témoignage de Dakia, collégienne à Alger, musulmane, et prise dans la tourmente d'une histoire qui la dépasse... Elle raconte son pays en proie au terrorisme.
(4e de couverture)
Mon avis :
Voilà un moment que je voulais lire ce petit récit autobiographique et l'approche du 8 mars m'y a décidée : c'est bien pour leurs droits que se battent les Algériennes en cette année 1994 et il y a d'ailleurs une scène de grande manifestation à la date de la journée internationale. On découvre la situation progressivement, au fur et à mesure que Dakia elle-même vit les choses.
Tout commence avec des tracts placardés par les islamistes du GIA (Groupe Islamique Armé), intégristes religieux qui "veulent imposer le voile obligatoire pour toutes les Algériennes et interdire aux jeunes filles de faire du sport, de la musique et d'exercer certains métiers - ce qui n'est mentionné nulle part dans le Coran...". Dalkia est d'autant plus choquée que ces hommes réclamant "un pays où la religion régirait la société" lancent leurs attaques "pendant le mois sacré du Ramadan qui est une période de paix, de pardon, pendant lequel les tueries sont formellement interdites".
Car cette "affaire du foulard", à la symbolique forte ("Aujourd'hui, c'est le foulard. Demain..."), dégénère rapidement en actes terroristes dévastateurs : "des écoles et des usines incendiées, des voitures piégées, des enfants déchiquetés, des jeunes filles violées puis décapitées, des mères éventrées..." ! En effet, les islamistes "constatent que nous, les femmes, résistons. Nous passons outre leurs menaces. Ils ont donc décidé de terroriser la population"... Les femmes ont "un flot d'injustice et d'infamie" à combattre parce que "selon les intégristes, un homme est toujours supérieur à une femme, et il a le pouvoir sur elle". Le pays est régi par un "Code de la famille" (mis en application dix ans auparavant) décrétant que "les Algériennes n'ont pas droit à une existence, une identité à part entière. Elles sont la fille, la mère ou l'épouse d'un tel - jamais elles-mêmes. De la naissance à la mort, les Algériennes demeurent toujours des mineures." C'est dire le retard du pays en matière de condition féminine !
Les parents de Dakia font partie des militants anti-intégristes, sa mère est membre de l'Association indépendante pour le triomphe des droits des femmes (AITDF), sa sœur Chafia est étudiante, alors toute la famille court un grand danger à "résister contre la barbarie et l'intolérance" et il leur faudra concéder de lourds sacrifices afin que, un jour, "les femmes vivent libres et dignement" dans "l'Algérie de demain"...
25 ans plus tard, qu'est donc devenue Dakia ? Je trouve dommage que l'éditeur n'ait pas pris la peine d'ajouter un petit mot à ce sujet lors de la réédition de ce texte de 1996...
Patricia Deschamps, février 2019