- Tu as amené les ténèbres sur cette famille, Nimue. Ce n'est pas ta faute, mon enfant, mais c'est la vérité. Tu es maudite.
Nimue a échappé au massacre de son village par les Paladins Rouges. Sa mère, l'archidruidesse, l'a chargée d'une mission avant de mourir : remettre l'épée du pouvoir à Merlin le sorcier.
Accompagnée d'Arthur, mercenaire séducteur, Nimue, déjà sensible au pouvoir des Invisibles, sent grandir en elle la magie noire et ancestrale de l'épée. L'arme fait d'elle une combattante féroce et rebelle mais aussi le seul espoir de son peuple Faë, celle que l'on désigne désormais comme la Sorcière Sang-de-loup.
Mon avis :
L'auteur revisite la légende arthurienne dans un monde fantasy cohérent et très filmique. On y suit Nimue, future Dame du Lac aussi connue sous le nom de fée Viviane. Nimue a le don d'attirer les Invisibles, ces esprits présents dans la nature et qui lui donnent le pouvoir de contrôler végétation et animaux ("Le dédale de ronces était en train d'engloutir les Paladins Rouges"). Mais elle est aussi "marquée du signe de la magie noire", celle qui fait qu'elle a toujours été rejetée ou tout au moins fuie dans son village. Avec l'épée confiée par sa mère, c'est toute la puissance combinée des deux qui va s'épanouir entre ses mains ("L'épée attisait sa passion. Sa rage. Elle l'incite à massacrer"). Une énergie que Nimue, démunie face à ce qui lui arrive, a du mal à assumer et à canaliser. Le personnage est tout en nuance, à la fois puissante et fragile. On aime son côté "girl power" ("Pourquoi une femme ne pourrait-elle pas s'asseoir sur un trône?") mais aussi ses fêlures et ses interrogations.
A ses côtés, le jeune Arthur, mercenaire arrogant mais séduisant qui a une certaine propension à fuir la difficulté; sa demi-sœur Morgane, serveuse loyale et courageuse; Gauvain le Chevalier Vert qui n'a pas froid aux yeux; et Merlin l'Usurpateur (et non l'Enchanteur, il a perdu ses pouvoirs magiques), "ivrogne doublé d'un imbécile" au service du roi Uther Pendragon. Comme on le voit, les célèbres protagonistes médiévaux ont été quelque peu détournés de leur rôle d'origine, avec une mention spéciale pour Lancelot, Perceval et Guenièvre que je vous laisse deviner sous leur nom d'emprunt! Le récit alterne les points de vue et d'action des uns et des autres, créant un récit dynamique qui se lit vite malgré l'épaisseur du roman.
Face à eux, différents peuples aux caractéristiques bien marquées, comme les Paladins Rouges dirigés par l'impitoyable Père Carden et le Moine Larmoyant ("d'une force et d'une adresse hors du commun"), le Roi Lépreux et sa clique "affligée de toutes les difformités imaginables", ou encore les menaçants clans vikings menés par la Lance Rouge. Sans oublier bien sûr les Faë dont Nimue est devenue (malgré elle) la Reine, constitués de tribus d'origine animale. L'ensemble constitue un univers riche et prenant dont on imagine bien les scènes durant la lecture, et que j'ai hâte de découvrir sur Netflix!
Patricia Deschamps, juin 2020