J'ai toujours été celui qui n'était pas comme les autres.
Lansing, Michigan, 1940.
Les parents de Malcolm, fervents défenseurs des droits des Noirs, l'ont toujours poussé à réaliser ses rêves. Mais comment Malcolm Little peut-il continuer à espérer après le meurtre de son père et l'internement de sa mère en hôpital psychiatrique ? D'autant que ses professeurs lui rient au nez lorsque Malcolm leur confie vouloir devenir avocat : ce n'est pas un métier pour un Nègre !
Devenu orphelin, privé de ses frères et sœurs, Malcolm décide de fuir ce monde dominé par les Blancs. Un jour il prend le car pour Boston, rejoindre sa demi-soeur Ella. Mais boudant le quartier chic où elle habite, il passe son temps au Roseland, un dancing où il se nourrit de musique, d'alcool et de danse grâce à ses petits trafics...
Mon avis :
Quand on lit l'histoire de son adolescence, on se demande comment ce "gars des rues" a pu devenir "l’une des figures les plus puissantes du mouvement noir". Les jeunes années de Malcolm ont en effet été un mélange de souffrance et de révolte, et il sera longtemps habité d'une violence à peine contenue. Il passe son enfance dans la misère, la faim le conduit à voler avec son frère Philbert, tandis que les services sociaux harcèlent sa mère qu'ils jugent incapable de subvenir aux besoins de cette fratrie nombreuse. Le père est décédé, et Malcolm va peu à peu comprendre qu'il s'agit d'un assassinat... Earl Little étant un ferveur défenseur des droits des Noirs : "Il était mort parce que c'était un Noir et qu'il en était fier". De même sa mère sera internée alors que "elle n'était pas folle - on le savait tous".
Ainsi "on vivait avec des cicatrices" et Malcolm a bien du mal à adhérer aux valeurs transmises par son père qui le poussait "à aller de l'avant". Bien que leader naturel, il comprend vite que dans ce monde de Blancs il est "juste un Nègre" et que la plupart de ses ambitions (d'études, de métiers) seront freinées à un moment ou un autre : "Je croyais que c'était la vie qui était comme ça. Je ne savais pas que c'était un problème de couleur". Alors l'adolescent devient "celui qui ne rentre pas dans le rang" et se fait, à Boston puis à Harlem, le spécialiste des trafics en tous genres : "Les vrais Noirs ne restent pas là, assis, à discuter de la manière dont les choses devraient se passer et de ce qu'ils devraient avoir. Ils se lancent et vont chercher seuls ce qu'ils veulent. Ils se chargent eux-mêmes de l'obtenir, comme tout arnaqueur sur son territoire". Dans son costume de "zazou" et avec son "conk", rien ne l'arrête, et le lindy hop tout comme la marijuana l'aident à supporter les injustices : "Plus noir que moi, on ne fait pas. Et tous ceux que j'essaie d'aimer me sont enlevés". Allant toujours plus loin dans la provocation, il ira même jusqu'à sortir avec une Blanche, Sophia. Mais là encore, ce sera encore "une autre illusion qui s'écroule".
C'est un séjour en prison qui provoquera sa remise en question : "Tout ce que j'ai fait de mal remonte à la surface". Méditant sur les paroles de son père, converti à l'islam, Malcolm décide de "devenir l'homme que je choisis d'être" et on le quitte à l'aube de sa renaissance : "Mon destin est de lutter".
Si la narration peut sembler déstabilisante du fait des nombreux retours en arrière à des époques différentes, cette biographie permet de découvrir un militant des droits des Noirs moins connu que Martin Luther King ou Nelson Mandela, tout en faisant revivre l'Amérique des années 1940 dans une ambiance particulièrement saisissante !
Patricia Deschamps, novembre 2017