Les devoirs, c'est ce qu'il y a de plus mortel après la mort.
Allie, 12 ans, a un secret inavouable : elle ne sait pas lire. Comme elle a beaucoup déménagé, elle est toujours parvenue à le cacher à l'école, mais cela lui pèse de plus en plus. Elle en a assez qu'on la prenne pour une idiote.
Tout change le jour où un nouveau professeur arrive dans la classe, M. Daniels : il s'intéresse à tous ses élèves et essaie de comprendre les difficultés de chacun.
M. Daniels comprend vite qu'Allie a une façon différente de fonctionner. Pour lui redonner confiance, il commence par valoriser son talent pour le dessin. Et puis un jour il met un mot sur ses difficultés de lecture : Allie est dyslexique. Et la bonne nouvelle, c'est qu'il existe des solutions!
Texte : service de presse
Mon avis :
Un roman sur la dyslexie, adapté aux enfants qui le sont !
Au début, la mise en forme surprend : police, taille, interligne, alignement, retours à la ligne... Le texte, particulièrement aéré, est "adapté aux lecteurs dyslexiques" tout en restant parfaitement lisible aux autres. Mais en quoi cela consiste, exactement, la dyslexie ? "Le contraste des lettres noires sur les feuilles blanches me fait toujours mal à la tête quand je les regarde trop longtemps", explique Allie. Les lettres sont comme "des petits insectes noirs qui grouillent", "quand tu les regardes, tu as l'impression de les voir bouger"... "Comment peut-on lire des lettres qui bougent tout le temps ?".
C'est donc une petite fille désœuvrée et désabusée que l'on découvre dès les premières pages. Le récit, écrit à la première personne, nous immerge avec subtilité dans son drame intérieur tissé de sentiments mêlés. Allie se sent incomprise, subit les moqueries de certains, "ne se sent pas à sa place". Solitaire, elle est persuadée que "tout le monde me déteste" et surtout, elle a une terrible mésestime d'elle-même : "Elle voudrait faire tant de choses mais une entrave la retient. Elle se sent oppressée et elle est en colère.", parce que malgré tous ses efforts, elle ne subit que des échecs. "Tu ne comprends pas ce que ça fait d'être différente des autres", dit-elle à sa camarade de classe, "Je suis nouée de partout à l'intérieur et je voudrais que ça s'arrête". A la maison, personne n'est disponible : son père, soldat, est toujours absent ; sa mère, serveuse, rentre tard ; son grand frère Travis, si doué lorsqu'il s'agit de mécanique, rencontre les mêmes difficultés scolaires qu'elle ; quant à son grand-père bien aimé, qui lui a fait découvrir Alice au pays des merveilles, "un livre qui parle de vivre dans un monde insensé" et qui "trouve des échos en moi", il est décédé.
Heureusement il y a M. Daniels, le nouvel instituteur, qui "apprécie que nous soyons tous différents". Oliver, Albert, Keisha... chaque enfant de cette histoire a sa particularité, et l'on voit bien qu'Allie n'est pas le "boulet" qu'elle prétend être. Quand elle explique que "mon cerveau ne veut jamais faire ce que je lui demande", qu'il lui arrive de "penser à un mot et en prononcer un autre à la place", M. Daniels comprend qu'il s'agit de troubles de l'apprentissage (et non d'une déficience) : "Les informations peuvent accéder au cerveau de différentes façons". Ainsi, la jeune fille, douée pour le dessin, fonctionne par évocation visuelle ("je visualise une scène dans ma tête"), parlant souvent de "fil intérieur" et d'"image mentale". Cette capacité à visualiser la rend d'ailleurs très forte aux échecs. Dès lors, M. Daniels peut mettre en place une stratégie pédagogique. Mais il en aura fallu du temps pour en arriver là ! Car le plus dur pour Allie était de trouver "le courage de demander de l'aide"...
Encouragée par son enseignant, soutenue par Albert et Keisha, Allie va peu à peu apprendre à ignorer certaines méchancetés, à accepter qu'elle "ne pense pas comme tout le monde", à persévérer malgré les difficultés : "Il est temps de décider quelle personne tu veux être". Cet épanouissement timide, fragile, est particulièrement touchant et m'a fait penser au héros de Wonder, entre doute et maturité. Seul petit bémol : l'épaisseur du livre risque de décourager le public visé... ce qui serait bien dommage, vu sa qualité !
Patricia Deschamps, septembre 2016