Comme si aimer plaquer, courir, tomber, botter, c'était forcément être un garçon manqué. Et si ce n'était pas la preuve, au contraire, qu'on est une fille réussie ?
En octobre 2022 a eu lieu la Coupe du monde de rugby féminin. L’équipe de France qui a participé à cette compétition est l’héritière d’une lignée de "combattantes” qui, depuis les années 1920, ont lutté pour pouvoir pratiquer ce sport, organiser des équipes et des compétitions, obtenir des terrains et des vestiaires. Les préjugés, la domination masculine et le regard de la société n’ont pas facilité leur tâche. Mais aujourd’hui le rugby est considéré comme un sport qui permet l’émancipation des filles, et il est devenu très populaire chez elles.
Mon avis :
Une histoire de filles et de femmes qui, parce qu'elles avaient le désir de jouer, ont surmonté les interdits et renversé les préjugés.
J'ai beaucoup aimé la structure de ce documentaire qui mêle bande dessinée, témoignages, informations et biographies, le tout dans une mise en page dynamique et très colorée. On peut le lire intégralement ou bien piocher dans les différents chapitres présentés par thèmes même si le déroulé est chronologique.
La première joueuse, le premier match féminin, les premiers clubs, la création de l'AFRF (l'association française de rugby féminin), les premiers matchs officiels: l'autrice revient sur l'histoire du rugby féminin en mettant en avant les difficultés rencontrées. Il faut à la fois lutter contre les stéréotypes sexistes ("T'es pas grosse, t'es puissante!", "Comme si aimer plaquer, courir, tomber, botter, c'était forcément être un garçon manqué. Et si ce n'était pas la preuve, au contraire, qu'on est une fille réussie?") et prouver ses capacités ("Elles ont la condition physique pour supporter une activité aussi intense"). Les premiers entraînements se font dans l'illégalité parce que les hommes entravent la pratique des femmes par de nombreux obstacles. Cette interdiction de jouer est "une atteinte à la liberté et aux droits les plus élémentaires" et démontre surtout que ces femmes représentent "une menace pour la domination masculine"...
Un homme néanmoins adoptera la cause féminine, Henri Fléchon, dirigeant de l'USB à Bourg-en-Bresse dans les années 1970. D'autres suivront. Mais malgré les avancées (l'équipe de France féminine, la première coupe du monde), rien ne change vraiment pour les joueuses sur le terrain... Leur passion implique toujours de nombreux sacrifices. Par exemple, la professionnalisation n'est pas reconnue: aucune ne gagne d'argent grâce au rugby, même en équipe de France. Il faudra attendre les années 2000 pour que le rugby féminin prenne un tournant décisif, notamment avec la ministre de la Jeunesse et des Sports Marie-Georges Buffet.
Mais l'événement qui change tout, c'est la coupe du monde de rugby féminin en France en 2014. Les Bleues et leur talent sont enfin mises à la lumière. Si elles ne gagnent pas la finale, "elles gagnent un public". Depuis, le rugby féminin a le vent en poupe. Les Bleues obtiennent "des résultats historiques". Celles du Sevens (rugby à 7) ont même été invitées à l'Elysée pour leur médaille d'argent aux JO de Tokyo (en 2021). Une consécration! Pour autant le combat continue, pour toujours plus de respect, de reconnaissance et d'égalité avec les hommes...
Patricia Deschamps, mars 2023