Je me sens honteux, inutile. Combien je pleure cette odieuse captivité dans mon cœur.
Avant d'être le fondateur de la Résistance le 18 juin 1940 et le président de la République en 1958, le général de Gaulle a d'abord été un combattant de la Grande Guerre, un officier plein d'assurance et d'illusions.
Fait prisonnier sur le champ de bataille de Verdun en 1916, le capitaine de Gaulle tente à cinq reprises de s'évader des forteresses allemandes.
Texte : 4e de couverture
Mon avis :
Dans cette bande dessinée, on découvre Charles de Gaulle sous un autre angle, avec un côté un peu guindé et en même temps beaucoup de détermination ("C'est un malin ce de Gaulle, il ira loin"). S'il ne semble pas tout à fait à l'aise sur le champ de bataille de Verdun, si sa haute stature lui vaut l'amical sobriquet de "grand dadais", s'il affiche des "allures aristocratiques hautaines" (il ne laisse personne le tutoyer) qui révèlent chez lui un fort sentiment de l'honneur et du respect dus au rang, c'est aussi un homme d'action réduit à l'inactivité ("tant de temps perdu en captivité") et surtout, qui refuse la soumission : au garde allemand qui s'exclame "Je briserai votre résistance!", il réplique "On en reparlera..." ! Avec ses compagnons de cellule (gradés comme lui), ce n'est pas moins de cinq tentatives d'évasion qu'ils tenteront ("encore raté!").
Mais de Gaulle saura également tirer partie de ces presque 1000 jours de captivité: intellectuel cultivé, il lit beaucoup et perfectionne son allemand. Il prend aussi le temps "de réfléchir et de forger sa pensée", comprenant notamment que "ce n'est ni le nombre ni le courage qui font désormais les victoires. Seule compte la force mécanique". Le texte est enrichi d'authentiques répliques savoureuses comme celle-ci, jugée scandaleuse à l'époque : "Il n'y a ni victoire ni paix, ou seulement une paix d'épuisement, une sorte de vieille couverture jetée sur des ambitions non satisfaites, des colères nationales non éteintes et des haines plus vivaces que jamais". Personnellement j'aime beaucoup "La réconciliation franco-allemande ? Plutôt mourir !". Par contre le dossier en fin d'album n'apporte pas d'éléments nouveaux (à part les photographies), c'est plutôt un résumé détaillé de cette BD qui fait comprendre que les années d'emprisonnement de de Gaulle ont contribué à la formation du personnage et que "le général rebelle de 1940 perce déjà sous le capitaine de 1918".
Patricia Deschamps, avril 2017
Oh ! L'insolent ! C'est un fou ou un anarchiste !
Septembre 1939. La France est en guerre et Charles de Gaulle, petit colonel, ne parvient toujours pas à convaincre l'État-major d'adopter une stratégie plus offensive fondée sur la concentration des blindés.
Et bientôt il est trop tard : le 10 mai 1940, les forces allemandes déferlent sur la France. Face aux traîtres qui souhaitent pactiser avec l'ennemi, il veut continuer à se battre.
Alors quand Pétain s'empare des rênes du gouvernement, il part pour Londres le 17 juin, emportant avec lui l'honneur de la France.
Mon avis :
Un album à la fois instructif et passionnant à lire !
Le dessin, classique mais soigné, offre des plans variés : portraits réalistes, scènes de conflit explosives, décors majestueux (notamment ceux de Londres et de Paris). Mais c'est surtout le scénario, synthétique et dynamique, qui éclaire sur les enjeux politiques de cette sombre période.
Si de Gaulle se montre dans cette guerre plus actif que dans la première, il n'en est pas moins frustré : "Nous avons une guerre de retard". Perspicace et fin stratège, il a vite compris que les méthodes et matériel utilisés par l'armée française étaient dépassés : "Encore un chef de 1918 qui ne comprend rien à 1940". Selon lui, "les hommes du passé, les Pétain et Weygand, nous mènent droit à la défaite" à cause de leurs "demi-mesures et l'énergie molle". De Gaulle est un homme de décisions, il propose d'ailleurs plusieurs idées audacieuses au gouvernement, mais il ne récolte que mépris et ne semble guère apprécié ("C'est un chef impossible qui nous en a fait baver."). Promu général, il déplore cette promotion un peu creuse : "J'aurais préféré qu'il me donne 500 chars plutôt que du galon." Et assiste, furieux, à la débandade : "Quelle honte". Ainsi l'auteur donne une réalité à tous ces noms de manuel d'histoire et l'on ressent bien les tensions entre ces hommes.
Cerise sur le gâteau, j'ai appris que, pour éviter l'armistice, de Gaulle avait proposé de faire de la France et de la Grande-Bretagne un seul et même pays doté d'un gouvernement commun (dont son complice Reynaud aurait été le co-premier ministre) : "La fusion de nos deux nations transformera la bataille de France en un simple épisode malheureux de la guerre." C'est pour faire face au lâche rejet des dirigeants français qu'il s'installera aux côtés de son allié Churchill, son projet d'union franco-britannique visant à "placer la France dans le camp des vainqueurs" et laver son déshonneur, "même si cela doit nous prendre des années". L'album se clôt sur un portrait pleine page du général et son fameux appel à la résistance du 18 juin, qui fait de lui désormais le chef de la France Libre.
Patricia Deschamps, janvier 2018
Juin 1944. Américains et Britanniques préparent le débarquement de Normandie en tenant soigneusement de Gaulle à l’écart. Insupportable au président Roosevelt qui le considère comme un chef autoproclamé et illégitime, de Gaulle se dresse contre le projet d’administration américaine des territoires libérés. Pour placer la France dans le camp des vainqueurs et éviter de transformer la libération en une nouvelle occupation, il doit prendre de vitesse ses alliés. L’heure de vérité a sonné pour le chef de la France libre.
(4e de couverture)
Mon avis :
Beaucoup de discussions dans ce troisième tome consacré au Débarquement et à la Libération. S'il a le mérite de nous faire réaliser le rapport de force entre de Gaulle et Roosevelt avec Churchill en tampon, on finit par se lasser de tout ce texte qui occulte trop souvent l'action. Malgré tout j'ai aimé le passage du jour J où les scènes de combat alternent avec le général en train de prier. On voit que celui-ci s'est battu pour éviter que les Alliés s'approprient tout le mérite et évincent le rôle essentiel de la Résistance : "On nous humilie. Non seulement les Alliés sont exclus la France du Débarquement mais ils s'apprêtent à s'y installer comme en territoire ennemi". Derrière de Gaulle, le général Leclerc prend la lourde responsabilité de tenir tête, sur le terrain, à Eisenhower, en désobéissant à ses ordres : c'est la 2e division blindée qui libérera Paris, symbole de l'honneur et du pouvoir français. Dès lors il s'agira de "restaurer l'Etat", de "raviver la flamme de la nation française" et surtout de lancer la reconstruction politique et économique du pays. A noter : le petit clin d’œil au "impossible n'est pas français" de Napoléon 1er, et la réplique de Hitler à von Choltitz, le commandant en chef de la Wehrmacht à Paris, "Paris brûle-t-il ?", titre d'un célèbre film sur cette période.
Patricia Deschamps, juin 2018
Un grand destin a souvent besoin de petits calculs.
Mai 1968. De Gaulle s'ennuie. Pour lui, il n'y a plus rien de grand à accomplir. Survient la crise estudiantine, sociale et politique qui secoue le régime et lui redonne l'envie d'en découdre. Se référant sans cesse à mai 1958 et à la façon dont, dix ans plus tôt, il a roulé les militaires, les pieds-noirs et les parlementaires de la IVe République, Charles de Gaulle pense facilement venir à bout des contestataires, avec la maestria politique dont il est coutumier. Mais rien ne marche.
(4e de couverture)
Mon avis :
Dans ce quatrième tome, on découvre un de Gaulle en perte de vitesse, radoteur et un brin prétentieux. Le président passe son temps à raconter ses exploits passés ("Vous ai-je déjà raconté..?") comme un vieil homme sénile et rasoir, ce qui exaspère son entourage y compris sa femme Yvonne ("C'est déjà un bien assez grand sacrifice de vous accompagner dans cette galère. Si je dois en plus y accorder une quelconque attention..."). Au début on trouve ces scènes, qui permettent au scénariste de revenir sur des événements antérieurs, plutôt drôles (Yvonne s'endort même dans l'avion !) mais elles deviennent vite répétitives. De Gaulle se fait agaçant, très imbu de sa personne voire manipulateur ("Il m'a fallu jouer finement."). Surtout, il apparaît complètement dépassé par la situation actuelle qui semble à peine l'intéresser.
Les revendications des étudiants et ouvriers sont peu développées, l'intrigue étant avant tout axée sur les réactions du gouvernement. Incapable de gérer la crise sociale, le président est en complet désaccord son premier ministre Pompidou et tout n'est que rapports de force - entre hommes politiques, avec les syndicats et contre les ouvriers. Quand il réalise qu'il est "un homme fini", de Gaulle prend même la fuite ("Je pars me reposer") ! La fin n'est pas très claire, on comprend que l'assemblée est dissoute et que surtout le chef d'état, qui a été proche de démissionner, a eu les Français à l'usure ("Les Français ont plus voté contre le désordre que pour de Gaulle"). Une fin de carrière peu glorieuse pour "le rebelle de 1940" et la série s'essouffle avec lui...
Patricia Deschamps, novembre 2018
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