Cachés

roman de Sharon DOGAR

Seule demeure la mémoire.

Gallimard jeunesse, 2011, 295 p.
Gallimard jeunesse, 2011, 295 p.

Amsterdam, juillet 1942. Pour échapper aux persécutions nazies, Peter van Pels et ses parents rejoignent la famille Frank dans leur cachette. Peter a seize ans. Comment s'habituer à vivre dans si peu d'espace ? Et il y a Anne, brillante, exaspérante, Anne qui écrit, Anne qu'il déteste d'abord puis finit par aimer...

 

Jour après jour, Peter écrit sa version de la vie dans l'Annexe et ses sentiments pour Anne. Mais là où s'achève le journal d'Anne, en août 1944, le récit de Peter continue: l'arrestation, la déportation à Auschwitz puis à Mauthausen, la lutte pour la survie sans savoir ce que sont devenus Anne et les autres.

 

 

Mon avis :

Revivre la claustration dans l'Annexe avec Peter.

Il y a beaucoup de sensibilité dans ce roman qui raconte le quotidien, "cachés", des familles Frank et van Pels, puis leur arrestation et leur envoi dans les camps. Toutes sortes de sentiments se bousculent dans l'esprit et le cœur de Peter. C'est depuis l'infirmerie de Mauthausen que celui-ci, agonisant au milieu de dizaines d'autres corps, évoque et commente ses souvenirs. Il ne se rendait pas compte à l'époque qu'il pouvait y avoir pire que de vivre enfermé...

 

Un espace exigu, sombre, sans air, oppressant. La dépression, la colère, la frustration, le sentiment d'impuissance, la peur. Le manque de son amie Liese. Peter raconte, en toute honnêteté, même si parfois les mots lui manquent, lui qui n'a ni l'aisance ni l'intelligence d'Anne. Celle-ci apparaît sous une autre image que dans son journal, plus agaçante ("Je la trouve horripilante"), bavarde au franc-parler qui n'hésite pas à mentionner "les choses de façon abrupte" et à poser les questions qui dérangent ("Pourquoi est-ce qu'ils appellent ça "nettoyer"?").

 

Mais peu à peu, parce qu'ils ont adolescents au milieu d'adultes (Margot, la grande sœur d'Anne, est plus réservée), parce qu'ils sont à l'âge des premiers émois, que les épreuves partagées rapprochent, Peter et Anne développent des moments de complicité. Il faut dire qu'Anne "a le don de tout transformer", associant imagination et réflexion. Dans ces circonstances toutes particulières, "seul ici existe. Seul maintenant existe". Et s'il n'y avait plus d'autre occasion de s'enlacer, de s'embrasser ("Quels sont nos choix? Nuls.")? Les deux jeunes sont bien conscients que "si on n'était pas enfermés ensemble ici, je serais une personne très différente". Le Peter des camps se demande: "Si je savais ce que je sais aujourd'hui, aurais-je agi autrement?". Pour Anne, la seule obsession, c'est son journal: elle se sent un "devoir de survie" afin de "témoigner et raconter notre histoire". Le temps lui donnera malheureusement raison.

 

Au bout d'un moment les faits et les idées relatés tournent en rond, à l'image de ces familles clandestines. C'est dans les cinquante dernières pages que Peter raconte le moment le plus émouvant selon moi: l'arrivée au camp et la séparation, après deux années passées ensemble H24. Pour cette dernière partie, l'auteure s'est appuyée sur les témoignages de survivants afin de transcrire "de façon lucide et froide, la réalité de la vie quotidienne à Auschwitz".

Un roman émouvant basé sur des faits historiques, pour ne jamais oublier.

 

Patricia Deschamps, mai 2020


Retrouvez Takalirsa sur Facebook, Babelio, Instagram  Youtube, Twitter et Tik Tok

Making of d'une chronique