Noé Petit vit à la campagne avec ses parents. Il est souvent seul et s'ennuie un peu. Un soir, un coup de téléphone du commissariat lui annonce la mort d'un certain Armand Petit. Noé apprend alors que son père avait un frère aîné qui vivait depuis quinze ans comme un clochard. Épris de liberté et de voyages, Armand était passionné de poésie. En se laissant porter à son tour par les poètes que son oncle aimait, Noé cherche à comprendre qui était cet homme à la dérive.
(4e de couverture)
Mon avis :
Un texte tout en pudeur sur un sujet délicat.
"Clochard", "poivrot" : les préjugés méprisants vont bon train dans la famille de Noé concernant le mode de vie de son oncle décédé. Intrigué, le petit garçon cherche à en savoir plus sur "le maudit de la famille" dont il a retrouvé les recueils de poésie dans les cartons de son père : quelqu'un qui aimait la poésie ne devait "pas être complètement méchant" !
Il cherche d'abord à rencontrer ses anciens compagnons croisés à l'enterrement, en compagnie de son copain Jean-Pierre lui aussi très méfiant : "La plupart du temps, ils dorment ou ils sont saouls. Je les entends souvent crier. J'en ai même vu deux qui se battaient un jour dans un parking". Si effectivement Noé ne tire rien de ces pauvres hommes, il est néanmoins touché par leur situation. Avec sa grand-mère elle aussi pleine d'empathie (elle portait régulièrement de quoi manger à son fils dans la rue), il s'efforcera de leur donner un peu de réconfort à sa manière ("Ils ne doivent pas être différents de nous"). Noé réalise également que son chemin de vie (et de pensée) s'éloigne de celui de Jean-Pierre, encore obnubilé par ses jeux vidéos.
On sent en effet que le jeune héros est un garçon sensible, et qu'il est en train de passer un cap de maturité avec cet événement. Sa grand-mère lui confie les quelques lettres reçues autrefois lorsque Armand courait le monde. Celles-ci regorgent d'extraits de poèmes célèbres qui viennent égrener le roman, lui apportant une touche de légèreté bienvenue. Pour Noé, "chaque passage souligné était une pièce d'un puzzle intitulé Armand", qu'il apprend à connaître à travers ce qu'il aimait. Ces quelques vers lui montre ainsi une image de son oncle aux antipodes du SDF qu'on lui a décrit, celle d'un homme cultivé, amoureux, conduit à la dépression et à la rue à cause d'un drame dont il ne s'est jamais remis. Celui-là est le vrai Armand, un homme touchant, "quelqu'un de bien" qui, s'il ne l'a pas connu, lui aura néanmoins transmis son "amour des mots".
Patricia Deschamps, mars 2019