Pour vous, les femmes sont bêtes, gauches, incultes et bonnes à rien... Bref, des êtres inférieurs à vous, messieurs. Mais ça suffit, quoi ! Tout ce que vous savez faire, moi aussi je peux le faire !
"Florence, en Italie, au début du XVIe siècle. Dans ce berceau de la Renaissance qui vit l'art s'épanouir dans toute sa splendeur, l'époque était au foisonnement culturel.
Moi, Arte, fille d'aristocrates, j'ai toujours eu une passion immodérée pour le dessin. Une passion mal vue par ma mère, mais encouragée matériellement par mon père. Hélas, mon père est mort le mois dernier. Et depuis, notre famille de petite noblesse était obnubilée par mon mariage, et surtout le financement de ma future dot.
En désaccord avec ma mère sur sa conception de la vie, j'ai décidé de devenir apprentie peintre et j'ai entrepris la tournée des ateliers de la ville. Mais je me suis fait jeter de partout... Tout ça parce que je suis une femme !"
Mon avis :
Une intrigue passionnante et un dessin de qualité !
Pas facile de s'affirmer à cette époque quand on est une femme ! "Tout ce qu'on demandait aux femmes était d'être de bonnes épouses"... Pour la mère d'Arte, "le bonheur réside dans le mariage", et elle refuse en bloc la passion de sa fille. Du côté des maîtres d'ateliers, on la voit comme un "caprice d'aristo", allant jusqu'à dénigrer les capacités de la jeune fille : "Une femme bricoleuse ?! Tu vas transporter ces planches avec tes bras de femme ?!". Méprisée, rabrouée, humiliée, Arte n'en conserve pas moins sa détermination et son enthousiasme : "Le sentiment qui m'anime, c'est la rage. Je veux vivre dans la dignité et ne plus subir les humiliations. Je veux vivre par mes propres moyens !". Propos qui font écho chez monsieur Leo, le seul maître peintre à lui donner sa chance : issu d'un milieu très pauvre, il a lui-même dû se battre pour en arriver là.
Leo est un homme bourru et froid, un brin "flippant". A ses côtés, Arte mène une vie dure : elle vit dans un taudis et doit tout faire elle-même (pas de servante pour l'habiller !). Mais "ici, tout est calme et sérénité" et "il n'y a personne pour me reprocher quoi que ce soit". Surtout, Arte est touchée que Leo la considère comme "une personne" et non comme "une femme". Il lui présente d'ailleurs une courtisane qu'il respecte malgré sa profession : cultivée et mécène, Veronica lui passe régulièrement commande de portraits. Admirative de cette femme forte et pleine de volonté, Arte prend plaisir à côtoyer cette protectrice inopinée.
Mais ce qui porte ce manga, c'est véritablement la personnalité de son héroïne. Pleine d'énergie, Arte garde son enthousiasme passionné malgré les épreuves, prenant sur elle pour aller de l'avant. Persévérante, elle est déterminée à progresser, cherchant sans cesse à améliorer la qualité de son travail, tout en conservant la spontanéité de l'adolescence. Et surtout, elle donne de la femme une image résolument moderne et positive : à la différence de "ces bonnes femmes aux yeux éteints qui ne font qu'obéir aux hommes en silence","ses yeux s'illuminent dès qu'elle dessine", ce qui lui donne beaucoup de charme !
Un manga à découvrir absolument !
Patricia Deschamps, juin 2016
La vie est impitoyable avec nous, les femmes...
Encore ébranlée par les sentiments nouveaux qu’elle éprouve pour Léo et qu'elle a du mal à contenir, Arte est entraînée par Veronica, sa mécène, dans un quartier miséreux de la ville.
La jeune artiste y découvre la réalité sordide de la vie d’une ancienne courtisane de renom, qui a sombré dans la déchéance... à cause de l'amour.
Le message est clair : "Il faut se concentrer sur le travail" ! Surtout lorsque l'on veut, comme la jeune fille, devenir indépendante...
Mon avis :
C'est un plaisir de retrouver Arte, cette héroïne pleine de fraîcheur et d'enthousiasme, à la détermination si contagieuse ! On retrouve dans ce manga les personnages de Veronica, dont Arte admire la force de caractère et à qui elle demande conseil régulièrement, et celui d'Angelo, apprenti dans un grand atelier, vivant avec cinq sœurs, et surpris de constater que toutes les filles n'ont pas besoin de la protection des hommes ! On y découvre également un nouveau personnage, Dacia, fille de paysans travaillant dans un atelier de couture afin de se payer une dot. Si Arte lui apparaît d'abord comme une "fille d'aristo" pour qui la peinture est un caprice, Dacia réalise peu à peu que la jeune femme est différente des autres : "Tu es une drôle de fille". Arte encourage en effet les filles de l'atelier à "montrer aux hommes ce qu'on vaut" et à relever des défis : "Chaque fois que je réussis une chose", avoue-t-elle, "j'ai l'impression d'aller de l'avant et j'aime ça !". Un discours libérateur pour ces femmes brimées et dévalorisées : "Tu es vraiment épatante" ! Arte est une héroïne comme je les aime, et la trame de fond historique est riche en informations sur l'époque.
Patricia Deschamps, août 2016
Ça n'apporte que des ennuis, les nanas...
Leo a confié à Arte la mission de négocier avec monsieur Ubertino, le riche marchand qui leur a commandé un tableau. Alors Arte demande à Veronica de lui enseigner "l'art de donner un cours favorable à une conversation, comment se comporter et parler pour être prise au sérieux".
De son côté, Leo accepte de venir en aide à la corporation des artistes qui mobilise plusieurs ateliers autour d'un ambitieux projet de fresque murale. Mais tous les membres de la corporation ne voient pas d'un bon œil la participation d'une femme...
Mon avis :
Ce troisième opus met l'accent sur le personnage d'Ubertino qui lui-même ouvre les confidences de Leo. Ubertino est un client de longue date, pourtant il "n'éprouve aucune attirance pour la peinture" : "Les riches n'acquièrent pas les tableaux pour l'amour de l'art mais comme outils au service de leurs intérêts." Belle réflexion sur la vocation de la peinture ! D'un côté le regard esthétique et passionné de l'artiste, de l'autre l'utilisation des œuvres comme signe extérieur de richesse.
Parmi celles-ci beaucoup de créations de Leo, monsieur Ubertini ayant été ami avec son maître. On voit donc Leo dévoiler à son apprentie ses origines très modestes ainsi que ses débuts dans le milieu, et un parallèle se crée entre les deux situations: comme Arte, Leo a dû "affronter mépris et médisance". Avec sa présentation à la corporation, la jeune fille se trouve en effet à nouveau confrontée au sexisme de la profession, certains la considérant comme une menace : "Ils se demandent si une femme a sa place dans un atelier". Heureusement il y a Angelo, son ami attentionné, pour la soutenir et la défendre : "Tôt ou tard, ils finiront par t'accepter". Et même Leo y va de son compliment : "Je pense que tu mérites bien ta place. Tant que tu voudras continuer, je te soutiendrai" !
Arte est de toute façon toujours pleine d'énergie et de détermination, souriante malgré les épreuves, persévérante malgré les difficultés (pas facile de faire de l'enduit !) et toujours assoiffée d'apprendre et de progresser : "Il n'y a pas à dire, c'est une drôle de fille". Si j'ai regretté de trop nombreux faciès exagérément déformés dans la première partie du récit, j'ai apprécié la qualité du dessin au niveau des décors et des étoffes, et toujours cette fluidité très agréable du scénario. Le volume se termine avec l'apparition d'un nouveau personnage, un noble mystérieux venu de Venise, qui promet de relancer l'intrigue dans le suivant!
Patricia Deschamps, janvier 2017