Quand une mère s'écroule, ce sont les fondations mêmes de la famille qui s'écroulent.
Julie, 14 ans, est une collégienne sans histoire. Pourtant, sa petite vie tranquille va prendre un tournant inattendu lorsqu'elle va se rendre compte que sa mère est alcoolique. Pour mieux analyser et comprendre la situation, elle va avoir besoin d'aide... Construite comme une série, cette fiction déroule une succession d'épisodes – chacun ponctué par l'intervention d'une psychiatre spécialisée – qui permettront de briser les idées reçues sur l'addiction à l'alcool.
(4e de couverture)
Mon avis :
Encore un excellent titre de la collection "Saison psy" aux éditions Le Muscadier, qui analyse finement le mécanisme de l'alcoolisme et surtout le ressenti des un·es et des autres face à la situation. Le récit et les explications de la psychiatre se complètent parfaitement dans ce livre qui sonne juste.
Les enfants sont souvent les premiers à détecter un changement de comportement chez leur mère: "J'ai senti que ma mère n'était pas comme d'habitude" -ce que Julie nomme une "anomalie". Chez l'adolescente, la rage se mêle à la honte. Pourquoi sa mère boit-elle? Et surtout, que peut-elle faire? Car comme lui conseille son amie: "C'est ta mère. Aide-la!". Le père, lui, semble dans le déni ("Mon père est aussi impuissant que moi").
Si effectivement "on n'a pas la solution. Seule ta mère la possède", celle-ci a besoin qu'on l'amène à se faire soigner. C'est finalement le médecin de famille qui incitera père et fille à communiquer à trois, à exprimer "tout ce que je n'ai pas dit" parce que "j'ai trop peur de pleurer ou de la faire pleurer". A défaut de discuter, Julie et sa mère s'échangeront des petits mots afin de débloquer la situation et sortir de la détresse. La jeune fille comprend que "c'est son boulot que ma mère veut oublier" et celle-ci que l'alcool ne résout rien, "tout te revient à la gueule très vite".
C'est donc "un problème de famille qui nous concerne tous", mais comment aider? La mère de Julie est envoyée dans une clinique spécialisée dans l'addiction à l'alcool, où des médicaments l'aident à se sevrer, et un groupe de parole à "comprendre ce qui l'a amenée là". Et après? Le soutien psychologique continue afin d'éviter la rechute: il s'agit de "verbaliser la souffrance psychique qu'elle espérait effacer momentanément avec l'alcool". C'est l'occasion d'une mise au point conjugale et familiale visant à rétablir la confiance ("Il est terrible et humiliant pour les mères de se sentir surveillées"). Le but de la parole, c'est de dédramatiser ("Toujours dédramatiser"), de déculpabiliser et de retrouver l'estime de soi.
J'ai trouvé particulièrement intéressant que la réflexion s'élargisse au contexte d'anxiété sociale que subissent les femmes. Une femme qui recourt à l'alcool n'a pas les mêmes raisons qu'un homme. La mère de Julie se sent dévalorisé au travail parce que notre société moderne ne garantit pas "épanouissement et harmonie" à celles qui s'investissent autant dans la réussite professionnelle que familiale. Il est temps de "penser autrement la place de la femme dans notre monde" car "quand la santé des femmes ne va pas, c'est toute la société qui est malade". Malgré leur engagement dans la vie active, les femmes restent le pilier de la famille...
La mère de Julie décidera de changer de travail avec l'aide d'un coach professionnel. Elle choisira aussi de reprendre "une activité qui la passionne" (la danse). Faire des choix, prendre soin de soi, c'est un premier pas vers la liberté. Car "l'objectif, c'est d'être libre...", non?
Patricia Deschamps, novembre 2022
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