Angie !

roman de Marie-Aude et Lorris MURAIL

Ecole des loisirs, 2021, 441 p. (Médium+)
Ecole des loisirs, 2021, 441 p. (Médium+)

Le Havre, son port, ses docks et ses trafics en tous genres. Y a t-il un lien entre la cocaïne découverte dans le container d'un négociant de café et la disparition d'un jeune docker aux mains tatouées ? Le capitaine de police Augustin Maupetit en est persuadé. Mais comment pourrait-il enquêter alors qu'il est cloué en fauteuil roulant suite à un accident de moto et confiné à cause du covid ?

Le policier teigneux va devoir compter sur son entourage. Sa voisine de palier, Angie Tourniquet, 12 ans, se révèle une parfaite coéquipière. Il y aussi Thérèse, la tante médium, Capitaine, un chien renifleur, et Alice Verne, la jeune commissaire. A eux les jambes, à Augustin la tête.

 

(4e de couverture)

 

Mon avis :

Un roman co-écrit avec son frère Lorris (j'ai pris plaisir à relire Golem, trilogie rééditée du duo), qui se déroule au Havre où j'ai effectué mes études, et sélectionné par mes collègues pour le Prix des Lecteurs en Seine: j'avais toutes les (bonnes) raisons de me lancer dans cette enquête de Marie-Aude Murail! Et comme toujours avec cette autrice, j'ai été happée par le style dynamique, les personnages hauts en couleur et l'intrigue ficelée de cette histoire dont l'ambiance, notamment les secrets de famille, m'a rappelé Le tueur à la cravate (de la même autrice). Petite touche d'actualité, le covid en arrière-plan est tantôt traité avec humour ("Il faut désormais se signer à soi-même une autorisation pour aller faire pisser Mirza"), tantôt élément à part entière de l'investigation: par exemple, le masque empêche d'identifier certains suspects mais les rues désertées ("Rien ne bouge, ou presque") sont faciles à vidéosurveiller par le capitaine Augustin coincé dans son fauteuil roulant.

 

J'ai aimé le binôme qu'il forme avec la jeune Angie. Ils ont un peu le même caractère franc, un peu bourru, mais qui cache une grande sensibilité. La relation qu'entretient Augustin avec sa chienne Capitaine est touchante: lui qui fuit les humains, se méfie des sentiments qui font mal, est attaché à l'animal comme personne. Angie va également développer une forte complicité avec la chienne. Celle-ci est un personnage à part entière puisqu'elle est partie prenante de l'enquête, à la fois comme victime et comme aide policière. Angie joue aussi son petit rôle grâce à son hypermnésie ("Tout vu, tout entendu, tout noté. Fiable à 100%. Le témoin parfait.")... et sa propension à mettre les pieds dans le plat ("Elle a plein de qualités mais elle n'est pas toujours facile à gérer")!

 

Et puis il y a la famille Sitbon, riche propriétaire des cafés Sibon, qui nous plonge dans le monde des trafics en tous genres. L'ambiance du port du Havre et de l'univers des dockers (à travers la famille Piatek) est parfaitement rendue. Il est aussi question de secrets de famille autour des jumeaux Yohann et Xavier, de jalousie et de convoitise. Augustin Maupetit et sa cheffe la commissaire Alice Verne déterrent une affaire vieille de douze ans qui a encore bien des choses à révéler. Angie et sa mère Emma n'y sont pas étrangères... C'est avec délectation que l'on voit se dénouer les liens existant entre les protagonistes au fil des chapitres. C'est un peu comme dans Sauveur & fils où défilent toutes sortes de personnalités donnant du relief à l'histoire.

Bref, les romans Murail, je ne m'en lasse pas, même après toutes ces années!

 

Patricia Deschamps, novembre 2021


Souviens-toi de septembre !

Ecole des loisirs, 2020, 464 p.
Ecole des loisirs, 2020, 464 p.

Il s'en passe des choses au mois de septembre au HavreSeptembre 1944, alors que la ville est bombardée par les Anglais, un sauveteur havrais extrait des décombres un bébé ainsi qu'un grand sac au contenu mystérieux.

Septembre 2020, le journal Paris-Normandie lance un concours d'écriture sur ‘'Les enfants havrais durant la guerre de 39-45''. Angie décide de recueillir le témoignage du notable de la région, Maurice Lecoq, dont on vient de fêter le centenaire. Mais les propos du vieillard sont confus, tout autant que les réactions de son entourage. Vols, disparitions, lettres de menace... Voilà Angie embarquée dans une nouvelle affaire, pile au moment où Augustin décide de la prendre comme stagiaire. Officieusement, bien sûr...

Mon avis :

J'ai eu un peu de mal à entrer dans ce tome 2. Au départ il est surtout question de la délinquance et du trafic de drogue qui sévissent dans certains quartiers du Havre (le capitaine Augustin Maupetit travaille aux stups). C'est quand la jeune Angie découvre le Château-Maurice pour interviewer le centenaire que mon intérêt s'est aiguisé. Entre l'atelier et les sculptures métalliques de Patricia Lecoq, le labyrinthe et son drôle de jardinier, les séances de pendule avec tante Thérèse, les lettres anonymes inspirées de Hamlet, les pleurs de bébé la nuit, une étrange disparition, une mort intrigante et les divagations du vieux Maurice hanté par son sauvetage pendant les bombardements de la ville en 1944, l'ambiance fourmille de mystères qui titillent la curiosité!

 

Comme toujours chez les Murail, le style est ultra fluide, sans temps mort, et la galerie de personnages savoureuse. J'ai trouvé la juge Manon Chanterelle-Lecoq touchante derrière son masque de "fille à papa", tout comme la commissaire Alice Verne amoureuse sans réciproque d'Augustin. Ce sont deux femmes cachant une grande sensibilité sous leur armure. Emma, la mère d'Angie, doute toujours d'elle malgré sa relation avec son voisin. Quant à l'enquêtrice en herbe, elle apprend peu à peu à connaître son père, Xavier Sitbon.

 

J'ai également apprécié les références au covid (le masque, la distanciation sociale, les jauges, les attestations de sortie, la fermeture des commerces "non essentiels") dont la famille de Rose-May est le symbole extrême et très drôle: si la période évoque de mauvais souvenirs, elle a fait partie intégrante de notre vie et je trouve ça bien que la littérature en garde une trace. Les auteurs cristallisent l'air de rien toutes les remarques que l'on a pu se faire ainsi que les incidences de ces gestes barrière sur les relations sociales (interrogeant les suspects, le capitaine Maupetit "doit résister à l'envie de demander à chacun de baisser son masque afin de lire l'expression des visages").

 

La dernière partie se lit très vite tant elle nous tient en haleine, impatients de découvrir le lien entre passé et présent, et de lever le voile sur le véritable visage de Maurice Lecoq. C'est une histoire prenante de secret de famille (et de guerre), et si vous en redemandez encore, il existe une troisième enquête du duo Augustin-Angie!

Patricia Deschamps, avril 2022


A l'hôtel du Pourquoi-pas ?

Ecole des loisirs, 2022, 416 p.
Ecole des loisirs, 2022, 416 p.

En sollicitant le Capitaine de police Maupetit pour l’aider à lancer le BAC, le Bureau des affaires classées, le commissaire Lamblin ne s’attendait pas à voir débarquer Augustin flanqué de deux gamines surexcitées, Angie et Rose-May, et d’une chienne renifleuse visiblement démotivée. Parmi les quelques 200 faits-divers non élucidés, Augustin a jeté son dévolu sur une affaire d’enlèvement d’enfant à bord du paquebot "le France" qui offre de troublantes similitudes avec le thriller de Cornelia Finch qu’il est en train de lire. Angie, elle, a déniché une pièce à conviction dans un vieux dossier, un attrape-rêves, comme ceux que la police du Havre vient de retrouver à côté des corps de deux joggeuses...

Mon avis :

C'est la troisième enquête du capitaine Maupetit et de sa "stagiaire" Angie, et c'est du grand Murail ! J'ai été littéralement happée par ce mystère ultra ficelé, ce formidable puzzle auquel chacun·e contribue à sa manière. Augustin l'excentrique, les deux gamines (Angie et Rose-May) et leur Chaîne du crime sur YouTube, Thérèse la tante médium... Les personnages sont savoureux et on oscille constamment entre humour et suspens. Comme chaque fois, l'affaire ("le tueur à l'attrape-rêve") nous promène entre passé et présent, et c'est un vrai régal !

Patricia Deschamps, septembre 2022

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