We're all mad here.
(On est tous fous ici.)
La jeune Alice est assise sur un talus par une belle journée d'été. A côté d'elle, sa sœur lit un livre.
« Et, pensait Alice, à quoi peut servir un livre où il n'y a ni images ni dialogues ? »
Elle commence à s'ennuyer lorsqu'un lapin blanc passe rapidement devant elle en marmonnant : «Oh mon dieu, je vais être en retard». Intriguée, elle décide de le suivre dans le terrier où il vient de se glisser. A l'intérieur, après avoir rampé quelques mètres, Alice fait une chute interminable.
« Je me demande si je vais traverser la terre d'un bout à l'autre ».
Elle atterrit sans s'être fait le moindre mal et revoit passer le lapin blanc plus loin dans le souterrain. Elle tente de le suivre et entre dans une pièce où sur une table se trouve un flacon portant l'inscription « bois-moi ». Après avoir un peu hésité, Alice s'exécute et absorbe le liquide. Mais voilà qu'elle se met à rapetisser jusqu'à ne plus mesurer que vingt-cinq centimètres ! Le « pays des merveilles » va réserver encore bien d'autres surprises à Alice...
L'avis de Fabien, bibliothécaire :
Grand classique de la littérature enfantine (quoiqu'il n'ait pas été dans un premier temps écrit spécifiquement pour eux) paru en 1865, Alice au pays des merveilles a fait l'objet de nombreuses adaptations (le dessin animé issu des studios Disney en 1951 étant bien évidemment la plus connue). L'univers d'Alice nous est donc familier même si l'on n'a pas forcément lu le roman de Lewis Carroll.
Il serait pourtant dommage de s'en priver car malgré ses 150 ans bien tassés, Alice n'a pas pris une ride. L'écriture de Lewis Carroll, élégante et riche, parsemée de jeux de mots, de poèmes et de dialogues savoureux happe le lecteur dès les premières lignes et le plonge dans ce « pays des merveilles » qui ne va pas réserver que des bonnes surprises à Alice. Au cours de ce véritable récit initiatique, Alice va se retrouver dans des situations loufoques et parfois périlleuses et rencontrer une galerie de personnages inoubliable : Le lapin blanc retardataire bien sûr, mais également le Chat de Cheshire et son sourire énigmatique, le Chapelier fou et sa conversation génialement absurde ou la tyrannique Reine de Cœur ( « Qu'on lui coupe la tête ! » ).
Autorisant de multiples interprétations, Alice peut se lire et se relire à tout âge avec le même plaisir.
Après avoir joué avec ses chats, Alice s'ennuie et se laisse aller à la rêverie. Elle s'imagine ainsi passer à travers le miroir du salon, ce qu'elle va curieusement parvenir à faire !
« Et en vérité, le verre commençait bel et bien à disparaître, exactement comme une brume d'argent brillante ».
Elle va y découvrir un monde totalement inversé et apprendre par exemple qu'il faut courir pour rester sur place et qu'il est possible de se souvenir du futur.
Son parcours de l'autre côté du miroir va s'apparenter à une partie d'échecs où, de pion, elle finira par devenir reine. Mais avant cela elle va rencontrer bien des péripéties et aussi quelques personnages pour le moins originaux.
L'avis de Fabien :
Suite d'Alice au pays des merveilles et sorti en 1871, De l'autre côté du miroir va encore plus loin dans l'absurde, la fantaisie et le non-sens. Et c'est justement peut-être un peu trop. Les références au jeu d'échecs ne parleront qu'aux lecteurs qui maîtrisent bien ce jeu (ce qui n'est pas mon cas!), les situations et dialogues loufoques sont un peu trop poussés et en deviennent presque hermétiques. Ce qui fait que le lecteur se trouve parfois un peu perdu et est tenté de décrocher. C'est dommage car la lecture vaut le détour malgré ces quelques bémols (tout à fait personnels) puisque une fois encore les personnage rencontrés sont inoubliables : « Humpty Dumpty » le « Gros Coco » (le chapitre le plus savoureux selon moi), la Reine Rouge, sans oublier un bref passage du lapin et du chapelier issus du premier épisode. Mais globalement j'ai trouvé De l'autre côté du miroir moins attachant que son prédécesseur. Il reste néanmoins hautement recommandable et de toute façon indispensable quand on aime l'univers d'Alice.
♦ Et aussi : les éditions illustrées ★★★★
L'album de Benjamin LACOMBE
Dans cette très belle édition, l'illustrateur Benjamin Lacombe nous propose sa vision d'Alice, originale mais respectueuse, et truffée de références aux illustrations de l'édition originale. Le style de Lacombe, un peu gothique et un peu «vintage» colle à merveille au texte de Lewis Carroll et prolonge idéalement l'univers onirique de l'auteur. Certaines pages se déplient même pour les illustrations les plus spectaculaires. Benjamin Lacombe signe également une très intéressante préface.
L'album de Rebecca DAUTREMER
Sortie également à l'occasion des 150 d'Alice, cette édition (très) grand format illustrée par Rebecca Dautremer est elle aussi splendide même si le style en est évidemment très différent. Moins « flamboyants », plus épurés et souvent très poétiques, les dessins (et croquis) de Rebecca Dautremer collent également très bien à l'univers d'Alice.
La BD de David CHAUVEL et Xavier COLLETTE
Cette superbe adaptation en bande dessinée est à la fois fidèle (elle reprend souvent le texte à la virgule près) et une vision quasi gothique du roman de Lewis Carroll tant le dessin y est sombre et l'ambiance mélancolique. Si la fin est un peu moins réussie, la première moitié (la chute d'Alice, ses premiers pas dans le souterrain, la mer de larmes…) est réellement magnifique. A quand De l'autre côté du miroir par le même illustrateur ?
Juin 2016