Qui était la jeune fille qui, plus tard, sous le nom d'Agatha Christie,
inventera Hercule Poirot et Miss Marple ?
Agatha Miller a 14 ans. C'est une jeune fille enjouée, au caractère bien trempé, qui dévore la vie à pleines dents.
Mais il n'est pas aisé d'être une adolescente curieuse, ambitieuse et créative dans l'Angleterre du début du XXe siècle, où le rôle de la femme est encore limité au foyer. Agatha se souvient de ce père, mort trop tôt, qui croyait en elle. Il lui disait: "Quelle imagination, mon Agatha ! Tu devrais écrire des histoires..."
Agatha décide de croire en ses rêves. De devenir chanteuse, d'aller étudier à Paris, quoi qu'il en coûte à sa famille. S'ajoutent à cela les premiers émois devant son corps qui se transforme, et surtout, les premiers élans littéraires et artistiques qui la poussent inlassablement à consigner les petits détails de sa vie dans son carnet en moleskine rouge...
Texte : service de presse
Mon avis :
L'adolescence d'Agatha Christie, ou le quotidien d'une "jeune fille de bonne famille" dans l'Angleterre du début du XXe siècle.
Ecrit à partir de la biographie officielle de l'auteur, ce roman dessine les principaux traits de caractère du futur écrivain. Et elle n'en manque pas ! Têtue, un brin rebelle, la jeune Agatha n'a pas la langue dans sa poche :"Tu as une manière de te moquer qui me plaît, Agatha ! Cela change des autres filles". Tenace, elle sait se donner les moyens d'atteindre ses objectifs, et comprend vite ce qu'on lui enseigne. Malgré tout, elle se révèle parfois émotive, sensible et attentionnée aussi, notamment avec son petit neveu Jack. En pleine adolescence, en pleine transformation de son corps et en pleine découverte du monde, Agatha est consciente que "quelque chose changeait. Elle ne voulait plus de cette Agatha-là. Elle voulait autre chose, ne savait pas vraiment quoi, et elle allait le découvrir". La jeune fille a hâte de "devenir une femme. Connaître les choses pour mieux les dompter". Cependant il y a une chose qui ne change pas : sa passion pour les enquêtes de Sherlock Holmes ! Déjà très fan des intrigues policières, mais aussi des faits divers glanés dans les journaux, Agatha a l'imagination fertile, et Françoise Dargent s'amuse à glisser des allusions aux futurs best-sellers de la reine du crime : "Ils étaient dix, dix petits sujets", "Le major parlait trop !", "Agatha se demanda bien ce qu'il pouvait se passer dans un train... Et pourquoi pas un meurtre, tiens!".
Pour autant, on oublie vite l'identité de l'héroïne. Car ce roman décrit avant tout l'éducation bourgeoise de l'époque. Il n'y a pas pas vraiment d'intrigue, c'est plutôt le quotidien à Torquay, avec ses régates et ses baignades, les visites et les réceptions. Agatha, qui vit seule avec sa mère, s'ennuie souvent, et apprécie la venue de ses amies, les cinq sœurs Huxley, et de sa sœur aînée Madge, mariée et maman du petit Jack. Ensuite il est beaucoup question de pensions (Agatha sera envoyée successivement dans trois établissements français), de toilettes et de voyages (en Egypte). Plus intéressant : l'évocation des grands bouleversements de l'époque donne une idée assez précise de la société à la Belle-Epoque. La jeune Agatha, à travers les différentes rencontres qu'elle fait, se frotte à la pensée avant-gardiste de certain(e)s : le droit, pour les femmes, de s'occuper des "histoires d’argent", d'enseigner dans une école de garçons, de partager la même plage que les hommes (elles ne sont pas encore mixtes), de voter, même, pourquoi pas ! Ainsi, elle s'interroge beaucoup sur les attentes liées à son rang et à son sexe. Elle s'émerveille également des avancées technologiques, par exemple dans l'épisode de l'avion de Santos-Dumont.
Le roman se termine alors que s'éveille sa vocation : "Un jour, j'écrirai un roman policier", avec "un détective sur le retour. Je lui ferai discerner des choses que les autres ne voient pas". Ce projet n'est encore qu'une "image imperceptible", un peu "floue"... mais donne envie de se (re)plonger dans l'oeuvre de la grande Agatha !
Patricia Deschamps, novembre 2016