- Sélection des Dévoreurs de Livres 2017 -
Pendant quatre jours, on suit alternativement six personnages (dont un seul adulte) dans les méandres des sentiments amoureux. Comment faire sa déclaration en s'assurant du succès? Comment savoir si c'est bien l'amour de notre vie? Comment réparer une erreur du passé?
Au rythme des doutes, des interrogations, des certitudes de chacun, l'auteur nous entraîne dans leur quotidien dans un milieu urbain. Samedi tout aboutira avec plus ou moins de bonheur.
L'avis de Catherine, prof doc :
Un superbe roman graphique dans les tons noir, gris, rouge et blanc uniquement. Pas de doute c'est bien un roman et non une BD puisque le texte est en prose, illustré par des images plus ou moins grandes, et aucune bulle n'apparaît.
J'ai aimé la double page de départ qui donne le lieu de l'action, puis la série de portraits des personnages. Les images de Zaü sont expressives: les traits des personnages sont justes esquissés cependant il joue beaucoup avec les ombres grises qui donnent de la force au dessin. La mise en page est originale et singulière.
Le texte d'Hubert Ben Kemoun alterne entre une langue soutenue et agréable puis le langage «titi parisien» et argot dans certains dialogues. Chaque personnage est bien caractérisé et crédible; ils en deviennent touchants.
Plusieurs thématiques ressortent: les sentiments, la relation à l'autre, l'expression de soi, la relation parent-enfant, le racisme aussi. De belles histoires, plus ou moins heureuses, mais qui nous poussent à réfléchir. Une réussite!
Octobre 2016
Mon avis :
Dans cet album illustré par le dessin atypique de Zaü à dominante rouge et noire, Hubert Ben Kemoun décline l'amour sous toutes ses formes. Avec Damien et Malo, c'est l'amour qui porte et transforme : "Je ne me suis jamais senti aussi grand, libre, fort et beau". Damien sort avec Mélodie et voudrait lui faire un cadeau "à sa mesure". Malo voudrait se déclarer à Bettina dont il est fou amoureux "comme un drogué sous dépendance" mais comment trouver les mots, lui, le gars de la cité ? Malo est prêt à changer pour elle, d'ailleurs son copain Kevin ne le reconnaît plus : "Tu vires fiotte et intello". Leurs sentiments sont mêlés, entre euphorie et oppression, parce que subsiste toujours un doute, celui qu'ils ne soient pas pleinement partagés...
D'ailleurs avec Mélodie, l'amour est moins engagé, plus léger - elle est si jeune encore. Elle se sent bien avec Damien, cependant Jérémy, qui l'a invitée à sa fête d'anniversaire, se fait pressant... Quant à sa mère Myriam, la voilà replongée dans son amour de jeunesse : Lionel, qui est devenu un auteur célèbre, vient dédicacer son dernier roman dans la librairie du quartier. Myriam n'a jamais eu le courage de lui avouer ses sentiments : "Le temps qui galope, et une occasion manquée".
L'amour, c'est aussi celui, tout aussi ambigu et compliqué, des relations mère-fille. Et à l'opposé de l'amour on trouve la haine, celle qui fait taguer à certains des messages racistes sur la devanture d'une épicerie ("La France aux Français").
C'est samedi que tout se jouera : Damien offrira son cadeau, Malo fera sa déclaration, Myriam rencontrera Lionel. "Parfois, il faut se lancer" parce qu'au fond, "ridicule était un mot beaucoup moins grave que malheureux". Mais les réactions des uns et des autres se révéleront parfois surprenantes ! Entre ceux qui s'enflamment trop vite, ceux qui au contraire regrettent de ne s'être jamais déclarés, l'auteur développe des conclusions loin d'être idylliques, et même un brin désabusées. La plupart connaîtront les désillusions de l'amour... Quant à ceux pour qui tout se termine bien, reste en suspens le caractère éphémère des sentiments. Libre au lecteur "d'y croire"... ou pas.
Patricia Deschamps, septembre 2017