A la poursuite de ma vie

roman de John Corey WHALEY

Le rêve du Dr Frankenstein était devenu réalité dans le bloc opératoire d'un hôpital de Denver, Colorado.

Casterman, 2015, 396 p.
Casterman, 2015, 396 p.

L'année de ses 16 ans, Travis Coates a perdu la tête. Littéralement.

 

Frappé par une leucémie incurable, il a accepté la folle proposition des médecins : laisser mourir son corps et cryogéniser sa tête, dans l'espoir que les progrès scientifiques permettront de la greffer un jour sur le corps d'un donneur. Personne n'y croyait vraiment, Travis le premier. Et pourtant...

 

Cinq ans plus tard, il revient à la vie. Il a toujours 16 ans, mais autour de lui tout a changé : sa maison, ses parents, son meilleur ami Kyle et surtout son amour de toujours, Cate, qui vient de se fiancer...

 

Cette nouvelle vie est peut-être un cadeau, mais d'un genre très compliqué à gérer.

 

Texte : 4e de couverture

Mon avis :

Un point de départ original pour une intrigue émouvante, autour d'un personnage attachant, et dans une écriture fluide et rythmée !

"J'ai cligné des yeux, et le monde a vieilli de cinq ans". Se réveiller alors qu'on était sensé mourir, s'adapter à son nouveau corps, reprendre sa vie là où on l'a laissée tandis que pour les autres cinq années ont passé... Travis aurait dû se réjouir d'avoir une seconde chance mais en réalité, rien n'est simple ! Tout d'abord il y a ce corps d'athlète, hérité d'un certain Jeremy Pratt, si différent du sien : "C'était comme si ma tête avait été photoshopée sur le corps d'un autre"... Un corps endurant de sportif, habitué à faire du skate (y aurait-il une mémoire du corps ? Travis n'était jamais monté sur un tel engin !) mais aux doigts trop gourds pour espérer battre son record aux jeux d'arcade... Il faut donc à Travis "tendre un pont entre l'ancien et le nouveau moi".

Et puis il y a cette célébrité nouvelle qu'il doit gérer, même s'il assume sa décision. Avec Lawrence Ramsey, l'adolescent est le seul cryogénisé revenu à la vie avec succès : un véritable "garçon miracle, motif d'espoir pour l'humanité entière". Mais il est bien difficile à seize ans de porter un tel poids ! Partout où il passe, on le reconnaît, on observe sa cicatrice, on lui vole un selfie : les gens se considèrent comme "les témoins directs de l'un des plus grands miracles de la science moderne".

 

Mais le plus dur, c'est de se rendre compte qu'aucun de ses proches ne croyait à ses chances de de réveil... Chacun a fait son deuil, plus ou moins douloureusement. Ses parents ont refait sa chambre, donné toutes ses affaires. Sa mère, heureuse, bien sûr, de retrouver son fils, n'en souffre pas moins de la situation et ses larmes bouleversent Travis : "Ma mère et moi aurions bien eu besoin de réinitialisation, histoire de retrouver notre configuration des jours heureux". Celui-ci culpabilise : "J'avais gâché une partie de leur existence". En réalité, le jeune garçon est "pris au piège dans une version bancale de mon passé" : "beaucoup de choses ont changé. Mais pas moi" et "contre toute attente, mon retour à la vie avait fait de moi un fantôme". Ayant l'impression d'avoir quitté sa famille et ses amis la veille, Travis est en effet complètement décalé par rapport à eux pour qui la vie a continué. L'adolescent, qui pensait trouver le monde comme il l'avait laissé, court après un temps révolu, cherchant, en vain, à regagner ce qu'il a perdu.

 

L'exemple le plus probant est celui de Cate avec qui il vivait un amour fusionnel. Ne supportant pas qu'elle soit passé à quelqu'un d'autre, Travis fait tout pour regagner son cœur. Avec l'entrée en scène de la jeune femme, le roman bascule d'ailleurs en mode sentimental, les flashbacks sur "avant la cryogénisation" alternant avec le récit présent. Pas de trémolos pour autant, mais plutôt la douleur émouvante d'un garçon n'arrivant pas à accepter la cruelle vérité : "Je devrais avoir la nostalgie de mon ancien corps mais c'est Cate qui me manque. Elle. Nous. Au fond, c'est d'elle que les chirurgiens m'ont amputé".

 

Et puis Travis réalise enfin qu'il ne sert à rien de s'apitoyer sur lui-même ni à "chercher un sens à mon retour dans le monde des vivants". Il n'a d'autre choix que d'enterrer le passé car "ce temps-là, il ne sert à rien d'essayer de le rattraper. Au contraire, "je devais greffer ma première vie à la seconde, quitte à en garder une nouvelle cicatrice". C'est en réalisant "qu'il me fallait cesser de croire qu'un jour, tout ce que j'avais perdu me reviendrait. La vérité c'est que j'appartenais au passé, et que je devais trouver ma place dans le futur", que notre héros pourra prendre un nouveau départ.

Patricia Deschamps, juillet 2016

 

L'avis de Michaël, 14 ans :

Une très bonne histoire, au style très différent de ce que je lis d'habitude et pourtant je l'ai dévorée ! Travis est un personnage touchant, sa décision de cryogéniser sa tête est très courageuse. Et se réveiller cinq ans plus tard (pour les autres), j'imagine combien cela doit être déstabilisant... L'intrigue m'a fasciné, j'ai lu ce roman en deux jours !

Août 2016

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