Sélection du Prix des Lecteurs en Seine 2014
"Papa m'a dit cent fois comment faudrait que je sois. Qu'un garçon, ça pleure pas, ça se laisse pas faire. Mais papa n'est pas là quand Vincent et ses potes viennent me chercher des crosses dans la cour. J'me prends des baffes, des coups de poing, et je dis rien, je serre les dents. J'en parle pas. Pour quoi faire ? Papa m'a dit cent fois qu'un garçon, ça règle ses comptes tout seul, que ça doit savoir se débrouiller, "comme un homme" il a dit. Quand je rentre du collège, papa n'est pas content, parce que ma chemise est déchirée ou qu'un bouton manque, que ma lèvre saigne et que j'sais pas quoi répondre quand il me demande si j'ai su me défendre. (...) Je bredouille, je tremble, parce qu'à force, j'ai l'impression qu'il est de leur côté. Pas du mien."
Mon avis :
Ne vous fiez pas à la petite taille et à la couverture colorée de ce court roman ! Car comme tous les écrits d'Antoine Dole, il est un concentré d'émotions à fleur de peau, un condensé de souffrance qui ne peut laisser indifférent.
On rejoint le jeune héros à un moment de sa vie où la douleur déborde, la douleur d'être différent (de par son homosexualité), et surtout la douleur de se sentir rejeté par son père : "Papa m'a dit cent fois d'être un homme, et d'agir comme un homme. Oui mais papa, lequel ? Je ne veux pas être comme Vincent, n'être fait que de bruits, de cris et de colère. Pourquoi tu m'apprends pas les mots, plutôt ? Les mots qui soulagent, les mots qui apaisent, je voudrais avoir les mots qui soignent, ceux qui ne laissent pas seul."
Un roman fort, qui aurait mérité d'être davantage développé !
Patricia Deschamps, février 2013