On se rend rarement compte sur le moment de l'importance des choses qui nous arrivent.
En ce début de 1968, Maud a seize ans, et elle est loin de se douter que sa nouvelle vie a commencé. À la fin de l'année scolaire, le bac l'attend. Si tout va bien.
Mais dans les rues, la soif de changement est là. La colère des étudiants explose. Alors que le Quartier latin est à feu et à sang, que les barricades se montent sous les fenêtres, la jeune fille écoute les Beatles, voudrait se coiffer comme la chanteuse Sylvie Vartan, fantasme sur la photo d'un certain Dany le Rouge et rêve de descendre dans la rue...
Mon avis :
Il y a 50 ans, mai 68...
"Il est interdit d'interdire", "L'imagination au pouvoir", "Sous les pavés la plage" : "Mai 68 est associé à des phrases immortelles". Et l'auteur, qui a vécu les événements de l'intérieur, nous les raconte avec un enthousiasme resté intact.
En réalité, tout a commencé bien avant mai : "Sans vraiment le savoir, nous abordions cette fin des années 60 avec une immense soif de changement.", "Il y avait toutes ces choses nouvelles qui arrivaient en masse, la musique pop, la mode anglaise, la pilule et la guerre du Vietnam, mais comme on était nous-mêmes à un moment de notre vie où tout changeait, on ne se rendait pas compte à quel point celles-là étaient différentes". Les premiers actes de rébellion ont démarré à Nanterre, "une banlieue perdue à l'ouest de Paris", par des étudiants menés par le charismatique Daniel Cohn-Bendit.
Ceux-ci revendiquent "la réorganisation de la hiérarchie entre professeurs et étudiants" et de manière générale "tous les rapports de domination qui existaient dans la société" : "Les étudiants dénonçaient tous les systèmes hiérarchiques qui donnaient du pouvoir à un homme sur d'autres. Au patron sur les ouvriers, au professeur sur les élèves, au chef de bureau sur les employés, au père sur la mère, au médecin sur le malade. Le mouvement de mai était le fer de lance d'une contestation qui devait s'étendre à toute la société." Ainsi, les ouvriers se joignent bientôt aux manifestations de "libération de la parole" et aux "nuits des barricades".
Pour autant "il ne s'agit pas de prendre le pouvoir ou de le garder, l'enjeu est beaucoup plus subtil que ça. Il s'agit d'accepter de se remettre en question, d'accepter que les questionnements de celui qui est en face de toi puissent te mettre en situation de faiblesse. C'est la base de tout échange humain non violent." Désormais "plus rien ne serait jamais comme avant" ("Avant mai, il y avait plein de choses interdites. Comme s'embrasser en public, faire l'amour sans être marié, contredire les adultes, porter des pantalons pour les filles et les cheveux longs pour les garçons, voter avant vingt-et-un ans"), et "cette société moralisante que mai avait bousculée, il fallait maintenant la réinventer." C'est toute cette effervescence, cette ouverture des possibles, que l'on ressent aux côtés de Maud dans un mélange "d'angoisse commune et d'émotion partagée", "de solidarité enthousiasmante et d'amour universel" - bref : "l'esprit de mai".
Patricia Deschamps, mai 2018