Ce qui se passe dans les huis clos familiaux est parfois plus terrible que la guerre.
Alors qu'il est en train de repeindre le salon, le père du narrateur s'écroule, victime d'un infarctus.
Pourtant son fils ne réagit pas, n'appelant ni le Samu ni les pompiers. Il ne fait rien pour le sauver. Volontairement.
Car l'adolescent tient là une vengeance inattendue mais providentielle : pendant les cinquante minutes qu'il attend à côté du corps, il plonge dans ses souvenirs et livre sa rancœur.
Mon avis :
Pourquoi le narrateur ne vient-il pas au secours de son père ("Je capitule devant le premier souvenir qui fait mal") ? Qu'est-ce qui a provoqué l'infarctus ("Il a suffi que je te dise "J'arrête, j'arrête tout" pour que tu tombes") ? Voilà les deux mystères qui tiennent ce court mais intense monologue. On se laisse immerger avec lui dans "les douleurs du passé qui remontent en pleine gueule", la première gifle, les premiers coups de pied et pire que tout : les "mots-fouets". L'adolescent s'adresse à son père étendu, inconscient (mort ?), déversant "des miettes de rancœur et de tristesse" dans un texte rempli de tension, un huis-clos oppressant. Il raconte ce "mélange visqueux de peur et de haine" qui l'habite depuis tout petit, s'interroge : "D'où vient la violence et de quoi se nourrit-elle ?". S'il ne recevra pas (et pour cause) de réponses, il comprend que "se défendre, ça n'est pas que physique, c'est aussi dans la tête" et après "50 minutes avec toi, en paix tous les deux", ressortira libéré de cet échange avorté, tronqué : "ma vie, elle est devant moi".
Patricia Deschamps, avril 2017