Je sais parfaitement que les enfants ont une étrange fascination pour tout ce qui est macabre. C'est précisément grâce à cela que j'ai gagné une véritable fortune (que j'ai perdue depuis).
Ignace Bronchon est l'auteur de la célèbre série pour enfant Le dompteur de fantômes. Il s'est engagé auprès de son éditrice à écrire un 13e tome, mais voilà des années qu'il n'arrive plus à produire quoi que ce soit...
Ignace décide donc de s'isoler dans un vieux manoir victorien qu'il a loué pour l'été. Il pense y travailler au calme.
Mais à peine installé que le vieil écrivain s'aperçoit qu'il n'est pas seul : les propriétaires de la maison lui ont laissé la garde de leur fils de onze ans, Lester !
Qui plus est, le garçon prétend que la maison est hantée par l'ancienne propriétaire des lieux, Adèle, écrivain elle aussi mais jamais publiée.
Lester cherche-t-il à effrayer Ignace pour le faire partir, ou Adèle le fantôme existe-t-elle vraiment ?
Mon avis :
Toute l'originalité de ce livre réside dans sa composition : aucun récit, il n'est constitué que de lettres (avec une typographie propre à chaque correspondant), d'illustrations diverses et d'extraits de journaux.
Pas de frayeur dans cette histoire de fantôme, mais par contre beaucoup d'humour! Tout commence avec les noms des personnages : Ignace Bronchon le ronchon, Adèle I. Vranstock ("a des livres en stock") qui n'a jamais rien publié, D€bbi€ Cock (Debbie Cock) l'agent immobilier et Fred Dossier ("frais de dossier") l'avoué tous les deux un peu rapaces, le détective privé Teddy Skray ("très discret") et bien sûr le jeune Les Perrance ("l'espérance") qui donne une touche finale optimiste à l'histoire.
De l'humour surtout autour du personnage de l'écrivain aigri qui ne supporte rien, y compris les enfants alors qu'il est sensé écrire pour eux ! D'ailleurs il est bien étrange qu'il communique par lettres avec Lester, alors qu'il se trouve... un étage au-dessus ! Un choix pertinent cependant de la part de l'auteur (la vraie !) car il en résulte un livre facile d'accès, d'autant plus que les caractères des différents personnages transparaissent bien à travers leur façon d'écrire.
On sourit aussi face aux essais misérables d'Ignace qui recommence sans cesse son premier chapitre, ainsi que devant sa mauvaise foi évidente qu'il entretient à grand renfort de "Je me remets au travail dès demain / dès que j'ai signé cette lettre / dès que j'ai posté cette lettre", etc.
Cependant, derrière l'humour, comme bien souvent, on trouve beaucoup de tendresse et de pudeur... Car si les trois héros sont tous des solitaires, c'est qu'ils ont été rejetés : Adèle par les éditeurs, Lester par ses parents, et Ignace... je vous laisse le découvrir ! Mais ce vieux grognon va évoluer au contact des deux autres, et se montrera somme toute plutôt touchant... Chacun en réalité va apporter quelque chose aux autres, un peu de considération, un peu de cette attention dont ils manquent eux-mêmes cruellement. Et puis surtout, "la volonté de croire" encore, que leur rêve est réalisable.
Et au bout du compte le livre qu'Ignace écrit racontera sa propre histoire, celle que l'on a entre les mains donc, en une sympathique mise en abyme !
A noter : on peut se contenter de ce premier tome, ou enchaîner avec les suivants.
Patricia Deschamps, septembre 2015