16 ans, 2 étés

roman de Aimee FRIEDMAN

Parmi toutes les théories de maman, ma préférée est celle sur les univers parallèles, l'idée que quelque part, dans l'espace ou dans le temps, une infinité de versions de nous-mêmes existent. Et que chacune vit chaque issue possible des différentes décisions que nous prenons.

Milan, 2017, 371 p.
Milan, 2017, 371 p.

 

Summer va bientôt avoir 16 ans. Elle vit dans la banlieue new-yorkaise avec sa mère. Ses parents sont divorcés, et elle s'apprête à rejoindre son père en Provence pour les vacances d'été, alors qu'elle ne l'a pas revu depuis des années, et contre l'avis de sa mère. 

 

Sur le point d'embarquer dans l'avion, elle reçoit un appel sur son portable. Répondra ? Répondra pas ? Et si de cette décision dépendait tout son avenir ?

Mon avis :

Deux versions d'une même histoire, ou quand un acte en apparence anodin entraîne des conséquences essentielles.

Toute l'originalité de ce roman réside dans le fait que l'auteur propose deux chemins possibles pour l'été de son héroïne : dans l'un, elle ignore la sonnerie de son téléphone à l'aéroport et part en France, dans l'autre elle répond et reste à Hudsonville. Ainsi, on suit Summer dans les deux possibilités, qui s'entrecroisent au travers de sept parties.

 

Dans la version Hudsonville, on se rend compte que l'adolescente, qui manque de confiance en elle, a tendance à s'accrocher à ses petits rituels ("Le temps a passé, mais je suis restée coincée à Pine Park" - en enfance, donc), à son "petit univers déjà étriqué" tournant autour de sa meilleure amie Ruby. Celle-ci cherche d'ailleurs à s'émanciper d'une relation devenue étouffante, prétextant que "tu n'étais pas censée être là cet été" et Summer, désœuvrée, se demande "où je peux bien avoir ma place".

En France au contraire apparaît une "nouvelle Summer" qui se sent "différente" et pour le coup "parfaitement à ma place" : "Tout bouillonne en moi, une nouvelle vague de témérité m'envahit", "comme si j'étais dans un monde parallèle où les règles normales ne s'appliquent pas". Elle qui n'ose pas, à Hudsonville, s'adresser au beau Hugh Tyson, se laisse amadouer par Jacques le jeune serveur français. A la découverte de la Provence, de ses paysages, de ses peintres, de ses spécialités culinaires, elle s'épanouit "alors qu'à Hudsonville je commençais à faner", ce qui est une sensation à la fois "effrayante et libératrice".

 

Cependant par la suite, cette première impression se nuance. A Hudsonville, Summer s'est inscrite à un cours de photographie qui l'enchante, d'autant plus que le fameux Hugh y participe. Et surtout, elle découvre brutalement, dans les deux versions, le terrible secret de son père qu'on lui cache depuis des années : "La vérité m'a rattrapée, même ici". Peu importe sa décision, la jeune fille était destinée à être bouleversée par cette révélation. Plusieurs éléments font d'ailleurs écho d'une version à l'autre (des objets, des paroles) et c'est ce qui rend le concept intelligent : si nos choix ont une incidence sur nos vies, ils n'en restent pas moins tributaires de notre personnalité. Ainsi, non seulement il y a de bonnes choses de part et d'autre (même si le passage en France semble plus enrichissant), mais l'issue de cet été se révèle identique (avec un épilogue commun) donnant l'impression que, malgré "les possibilités infinies" ("et si..."), "la boucle est bouclée". Une chose est sûre - ah non, plutôt deux ! : "Il faut bien choisir l'un ou l'autre chemin", et quel que soit celui emprunté, "La vie que je menais avant est révolue".

 

Patricia Deschamps, juillet 2018


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