Mamie, comment tu as pu (...) - C'est pas imaginable, elle me répond. N'essaie pas d'imaginer.
146298. Une suite de chiffres tatoués sur le bras de sa grand-mère. Elsa les a vus toute sa vie sans leur donner de sens.
Mais désormais Elsa sait ce que ces chiffres représentent. Et elle a décidé de se les faire tatouer à son tour. Son petit ami Tarek l'accompagne. Il s'en veut. Il pense que c'est à cause de lui. De sa vanne pourrie.
Tandis que la tatoueuse fait son travail, Elsa raconte, ou plutôt mamie raconte à travers elle ce qu'elle a vécu - la rafle, le voyage, le camp - décryptant, chiffre à chiffre, l'énigme de cette inscription indélébile.
Mon avis :
Comme souvent dans la collection "D'une seule voix", le texte, constitué de phrases (très) courtes, est percutant. L'auteur trouve les mots justes pour nous faire ressentir le sentiment d'oppression de l'héroïne, bouleversée par l'histoire de sa grand-mère, par son courage à survivre dans des conditions absolument "inimaginables".
Pourtant elle a essayé, Elsa. Mue par la volonté de ressentir ce que sa mamie a vécu, de partager avec elle cette douleur impossible à oublier, l'adolescente a tenté de vivre ce que Claudia a enduré - en vain : "C'est pas possible, comment vous avez fait ?". En quelques pages, toute l'horreur de la guerre est condensée. Et Elsa se sent "nulle, archinulle", de ne pas avoir su plus tôt relativiser tous les petits inconforts quotidiens qui font se plaindre pour pas grand chose : "Je ne sais pas comment j'aurais fait pour survivre"...
Alors Elsa en est convaincue, il ne faut pas oublier. Sa grand-mère perd de plus en plus la tête, et c'est un soulagement pour la vieille femme - comme on la comprend! C'est désormais son rôle à elle, Elsa, de perpétrer la mémoire des Juifs, même si on ne l'est pas. Sous la forme, pourquoi pas, d'un "nombre encré. Ancré."
Un texte fort et beau tout comme l'acte de l'héroïne !
Patricia Deschamps, septembre 2016