Nul ne peut savoir avec certitude l'impact qu'il a sur la vie d'autrui.
Clay reçoit treize cassettes enregistrées par Hannah Baker avant qu’elle ne se suicide. Elle y parle de treize personnes impliquées dans sa vie : amies ou ennemies, chacune de ces personnes a compté dans sa décision. Y compris lui, Clay.
D’abord choqué, Clay se met finalement à écouter les cassettes en cheminant dans la ville, se laissant porter par la voix d'Hannah le temps d'une nuit. Hannah en colère, Hannah heureuse, Hannah blessée et peut-être amoureuse de lui : la jeune fille livre une longue confession pour expliquer ce qu'elle n'a jamais su dire auparavant. Une phrase, un sourire, une méchanceté ou un baiser et tout peut basculer...
L'avis de Catherine, prof doc :
Ce roman fait l'effet d'un coup de poing qu'on reçoit et qui nous laisse k.o.
Cette confession d'Hannah sonne un peu comme une vengeance car l'écoute de ces cassettes va modifier la façon de ses destinataires d'appréhender le monde, la vie. Même si l'on sait dès le départ qu'Hannah s'est suicidée, on se surprend à espérer que tout cela ne soit qu'une mauvaise blague au final. Il va y avoir un revirement de situation... du coup on est porté par cette lecture et on ne peut plus lâcher le livre avant de connaître la fin.
La compréhension est vraiment facilitée par le choix de polices très différentes pour retranscrire la voix d'Hannah et pour le reste de la narration, Clay qui raconte à la première personne. Dans un style simple, quotidien.
Le suicide n'est pas un sujet facile à aborder, il est même souvent tabou. Il apparaît clairement que les signes avant-coureurs étaient présents dans l'attitude d'Hannah mais personne ne les a vus, ou n'a voulu les voir. L'auteur parvient à dépeindre tout cela sans jugement mais en ouvrant les yeux du lecteur : avec un peu plus d'égard envers les autres, on pourrait peut-être les aider, les sauver contre eux-mêmes si besoin.
Il signe là un premier roman réussi, écrit il y a dix ans mais devenu un incontournable de la littérature jeunesse.
Janvier 2018
Mon avis :
Depuis le temps que mes élèves, qui ont tous vu la série, me parlaient de cette histoire, j'étais curieuse d'en découvrir le roman original. Je l'ai trouvé un peu trop mélodramatique à mon goût.
Certes ce qui est arrivé à Hannah ne doit pas être minimisé : comme elle l'explique très bien, ce qui n'était au départ qu'un simple ragot à propos d'un baiser a subi un "effet boule de neige" et "on m'a collé une réputation à laquelle les gens ont cru et réagi en conséquence". La plupart des incidents évoqués sont malheureusement monnaie courante parmi les jeunes : une humiliante liste "canon ou boudin ?" (Alex), de fausses amitiés ("Courtney était en train de me manipuler pour rajouter mon nom à son fan-club"), un poème intime rendu public (par Ryan), etc. Mais lorsque l'adolescente évoque insultes ("Marcus m'a traitée d'allumeuse"), attouchements, camarade voyeur qui la photographie à son insu et même viol d'une Jessica ivre, on tombe franchement dans le sordide. Si on comprend que "mon cœur et ma confiance étaient en train de s'effondrer", que "tout s'écroulait autour de moi", on reste dubitatif quant à l'incroyable accumulation des événements sur une même personne. Hannah cherche à culpabiliser les autres ("La plupart d'entre vous n'avez sans doute pas la moindre idée de ce que vous faisiez. De ce que vous me faisiez, à moi."), mais n'aurait-elle pas des torts elle aussi ?
Tandis qu'il écoute, atterré et meurtri, les cassettes (quelle idée incongrue ! "Plus personne n'utilise ça, à notre époque.") de son amie morte tout en suivant "la piste aux étoiles" (un plan de la ville qu'elle a laissé, avec des lieux de pèlerinage), on a le sentiment que l'héroïne fait preuve d'une certaine prétention, se plaçant au centre d'un mauvais drame qui aurait pu être évité si elle n'avait pas eu la fierté de s'enfermer dans le silence : "J'aurais répondu à toutes tes questions, Hannah. Mais tu ne m'as jamais rien demandé.", "J'aurais pu t'aider. Mais quand j'ai essayé, tu m'as repoussé.", "Tu étais incapable de dévoiler le fond réel de tes pensées alors que j'étais là pour toi.", "Tu te dissimulais." et "Tu m'as rejeté."... Le seul regret de Clay, c'est que "si je n'avais pas eu autant la trouille des autres, j'aurais pu dire à Hannah qu'elle comptait pour quelqu'un", ce qui était effectivement l'obsession profonde de la jeune fille.
Bref on a l'impression d'assister à un déplorable gâchis, fait de non-dits et d'incompréhension, même si les faits relatés sont particulièrement graves. Peut-être que "certaines personnes sont prédisposées à penser au suicide plus souvent que d'autres"... Heureusement le récit se termine sur "de l'espoir" : celui que les mêmes erreurs ne se reconduisent pas avec quelqu'un d'autre - en l'occurrence la mystérieuse Skye, qui est d'ailleurs au centre de la saison 2 sur Netflix (créée de toutes pièces).
Patricia Deschamps, août 2018
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